Ovide - Les métamorphoses d'Ovide, Livre XI (Fable 2) lyrics

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Ovide - Les métamorphoses d'Ovide, Livre XI (Fable 2) lyrics

(v.85) Ce n'est pas a**ez pour Bacchus. Il abandonne le pays lui-même et, accompagné d'une troupe moins cruelle, il gagne les vignes de son Tmolus et le Pactole (1) ; le fleuve cependant, à cette époque, ne roulait pas encore d'or, et ses sables précieux n'avaient pas encore excité les convoitises. Le cortège habituel du dieu, satyres et bacchantes, se presse autour de lui ; mais Silène (2) manque. Titubant par l'effet de l'âge et du vin, des paysans de Phrygie se sont emparés de lui et l'ont, enchaîné de guirlandes de fleurs, conduit à leur roi Midas, que le Thrace Orphée avait initié aux orgies bacchiques, avec Eumolpus, de la ville de Cécrops. Quand Midas reconnut le compagnon du dieu, a**ocié à la célébration de ses mystères, en l'honneur de l'arrivée de son hôte il festoya joyeusement pendant dix jours et dix nuits de suite. Et déjà pour la onzième fois Lucifer avait ra**emblé l'armée des étoiles, quand le roi, en grande liesse, arrive dans les campagnes de Lydie et rend Silène au jeune dieu qu'il éleva. Celui-ci, tout à la joie d'avoir recouvré celui qui le nourrit, laisse Midas libre - flatteuse, mais dangereuse faveur - de choisir la récompense qu'il souhaiterait recevoir. Le roi, qui allait faire bien mauvais usage de ce don, dit : « Fais que tout ce que j'aurai touché de mon corps soit converti en or fauve. » Liber acquiesça à ce souhait et accorda le nuisible présent, peiné que Midas ne lui eût rien demandé qui valût mieux. (v.106) Le héros de Bérécynthe le quitte, tout heureux, se réjouissant de ce qui fera son malheur ; il s'a**ure sur tout ce qu'il rencontre, en le touchant, que le dieu tient bien sa promesse ; encore mal persuadé de son pouvoir, il arracha d'une yeuse une branche verdissante à faible hauteur : la branche devient de l'or. Il rama**e à terre un caillou : le caillou à son tour prit la teinte pâle de l'or. Il touche aussi une motte de terre : au contact tout-puissant de sa main, la motte devient lingot. Il cueillit des épis désséchés de blé : c'est de l'or qu'il avait moissonné. Il tient un fruit détaché de l'arbre : on pourrait croire que c'est un présent des Hespérides. S'il a touché du doigt les hauts montants de la porte, ces montants semblent jeter des rayons. Et même quand il avait lavé ses mains dans une eau limpide, l'eau qui coulait de ses mains aurait pu tromper Danaé. Il a peine à mesurer lui-même par l'esprit toutes les espérances qu'il peut concevoir, se représentant tout en or. Tout entier à sa joie, il voit ses serviteurs déposer devant lui des tables chargées de mets, où ne faisait pas défaut le pain de froment grillé : mais voici qu'alors, s'il touchait de sa main les présents de Cérès, les dons de Cérès durcissaient ; s'il s'apprêtait à déchirer les mets d'une dent avide, une feuille de métal fauve, dès que sa dent le touchait, recouvrait ces mets. Il avait mêlé à de l'eau pure le vin, don du dieu son bienfaiteur : on aurait pu voir, par sa bouche ouverte, couler de l'or liquide. Frappé de stupeur par cette infortune si nouvelle, tout ensemble comblé et misérable, il souhaite échapper à toute cette richesse, et ce qu'il avait naguère appelé de ses voeux lui est devenu odieux. L'abondance n'arrive pas à apaiser sa faim ; une soif desséchante brûle son gosier et, par sa faute, cet or qu'il maudit ne lui apporte que tourments. Levant alors au ciel ses mains et ses bras revêtus d'or éclatant : « Pardonne-moi, ô Dieu du pressoir, j'ai eu tort, dit-il ; mais aie pitié de moi et délivre-moi de ce don, funeste malgré les apparences. » Les dieux tout-puissants connaissent la bonté : Bacchus, voyant Midas faire l'aveu de sa faute, le rendit à son premier état et annula la faveur qu'il lui avait faite par fidélité à sa promesse : « Et, pour que tu ne restes pas pris dans la gangue de cet or convoité pour ton malheur, va, dit-il, jusqu'au fleuve voisin de Sardes la grande, et, remontant, par les pentes de la montagne, le cours de ses eaux, poursuis ta route jusqu'à ce que tu parviennes au lieu où il prend naissance ; alors mets ta tête sous la source écumante, à l'endroit où le flot jaillit le plus abondant ; lave ton corps et du même coup efface ta faute. » Le roi va s'exposer à ces eaux, comme l'ordonne le dieu. La vertu de l'or en colora le cours et pa**a du corps de l'homme dans le fleuve. Aujourd'hui encore, depuis qu'ils ont reçu la germe de l'antique filon, les champs ont la pâle couleur de l'or dont les mottes de leur sol durci sont saturées par ces eaux. (v.146) Midas, plein désormais d'horreur pour les richesses, avait pris goût pour les forêts, les campagnes et Pan, dont les antres des montagnes sont l'habituel séjour. Mais son intelligence resta aussi épaisse, et son esprit obtus devait, une fois de plus, jouer à son maître un méchant tour. Voici à quelle occasion. Dominant au loin la mer, le Tmolus dresse au sommet de ses hautes pentes sa cime escarpée, et sur ses deux versants se prolonge, d'un côté jusqu'à Sardes, de l'autre jusqu'à la modeste Hypaepa. Là Pan, vantant un jour aux tendres nymphes les accords que, modulant un air léger, il tirait de ses pipeaux de roseaux réunis par de la cire, osa parler avec mépris des chants d'Apollon comparés aux siens et engagea une lutte inégale devant le Tmolus pris pour juge. Le vieux juge s'a**it sur sa propre montagne ; il dégage ses oreilles de ses frondaisons ; sa chevelure aux sombres reflets n'est plus couronnée que de feuillages de chêne, et des glands pendent contre ses tempes creuses. Regardant alors le dieu du bétail : « Le juge, dit-il, n'attend plus que vous. » Pan fait résonner ses pipeaux rustiques ; avec ses sauvages accents, il charma Midas, qui se trouvait à ses côtés pendant qu'il jouait. Quand il eut fini, le Tmolus sacré tourna son visage vers celui de Phoebus, et toute sa forêt suivit son regard. Le dieu a sa tête blonde ceinte du laurier du Parna**e ; sa robe, teinte avec le produit du murex de Tyr, balaie le sol ; de sa main gauche, il soulève sa lyre incrustée d'ivoire des Indes et de pierres précieuses ; l'autre main tenait le plectre. Son attitude même est celle d'un artiste consommé. Alors, d'un pouce savant, il effleure les cordes et, séduit par la douceur de ces accords, le Tmolus décide que Pan doit s'incliner devant la supériorité de la lyre sur les roseaux. Le jugement et l'opinion de la montagne sainte ont l'agrément de tous. Seul, Midas prend la parole pour les discuter et les taxer d'injustice. Le dieu de Délos ne peut supporter que ces oreilles stupides gardent forme humaine ; il les allonge, les remplit de poils grisâtres, les rend, à la base, peu stables et les doue de mobilité. Tout le reste du corps est d'un homme. Le châtiment n'atteint Midas qu'en un seul point ; il est pourvu des oreilles de l'âne au pas lent. (v.180) Il souhaite de les cacher et, pénétré de honte et de confusion, il essaie de couvrir ses tempes d'une tiare de pourpre. Mais le serviteur habitué à couper avec le fer ses longs cheveux avait tout vu. Comme il n'osait révéler le secret de la difformité qu'il a constatée, tout désireux qu'il fût de le confier aux airs, et cependant était incapable de le taire, il va faire à l'écart un trou dans le sol, y raconte à voix ba**e quelle sorte d'oreilles il a vues à son maître, et murmure son secret à la terre qu'il a creusée. Puis il recouvre toute trace de mots prononcés avec les déblais retirés du trou, et, la fosse comblée, s'éloigne bouche close. Un ma**if dense de roseaux frissonants poussa en cet endroit et quand, au bout d'un an révolu, ils furent parvenus à maturité, ils trahirent celui qui pour eux ameublit le sol : car, au souffle léger de l'Auster qui les balance, répétant les mots enfouis par le serviteur, ils dénoncèrent la vérité sur les oreilles de son maître. (1) = Voir Livre VI, n295. (2) = Voir Livre IV, n194.