Ovide - Les métamorphoses d'Ovide, Livre I (Fable 7) lyrics

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Ovide - Les métamorphoses d'Ovide, Livre I (Fable 7) lyrics

(v.313) La Phocide sépare les Aoniens des champs où se dresse l'OEta ; terre féconde tant qu'elle fut une terre, mais, en ces conjonctures, simple partie de mer, vaste plaine d'eaux soudainement a**emblées. Un mont, en cet endroit, pointe ses deux sommets escarpés vers les astres ; il se nomme Parna**e, et son faîte dépa**e les nuages. Lorsque Deucalion, en ce point - car l'eau avait recouvert le reste du monde -, monté sur une frêle barque, avec celle qui partageait sa couche, eut abordé, tous deux adressent leur hommage aux nymphes Coryciennes, aux divinités de ma montagne, à Thémys, interprète du destin, qui était alors maîtresse de l'oracle. Jamais homme ne fut plus que lui vertueux, ni plus ami de la justice, jamais femme plus qu'elle pénétrée de la crainte des dieux. (v.324) Quand Jupiter vit que le monde n'était plus qu'une nappe liquide et stagnante, que, de tant de milliers d'hommes vivant naguère, il n'en restait qu'un, que de tant de milliers de femmes, il n'en restait qu'une, tous deux honnêtes, tous deux pleins de dévotion pour la divinité, il dispersa les nuages, et, le rideau de pluie écarté par l'aquilon, il rend au ciel la vue de la terre, à la terre, celle de l'éther. La colère de la mer, elle non plus, ne persiste pas. Déposant son arme à triple pointe, le dieu qui gouverne les flots apaise les eaux et, comme de la surface du gouffre amer émergeait, les épaules couvertes de la pourpre qui y naquit, le céruléen Triton, il l'appelle, lui ordonne de souffler dans sa conque sonore, et de donner maintenant aux flots et aux fleuves le signal de la retraite. Triton saisit sa trompe creuse, enroulée sur elle-même et qui va s'élargissant depuis le bas de la spirale, sa trompe dont les accents, dès que, du centre de la mer, il l'a animée de son souffle, vont remplir les rivages que contemple Phoebus aux deux points extrêmes de sa course. En ce jour aussi, dès qu'elle eut touché la bouche du dieu, toute ruisselante de sa barbe humide et, docile à son souffle, eut sonné, suivant l'ordre, la retraite, elle fut entendue de toutes les eaux de la terre et de la plaine liquide, et toutes les eaux qui l'entendirent subirent sa contrainte. Les fleuves baissent, on voit les collines surgir des eaux ; la mer a retrouvé ses rivages ; rentrés dans leur lit, les fleuves y coulent à pleins bords ; le sol reparaît, la surface s'en accroît à mesure que décroissent les eaux. Puis, après de longs jours, les forêts montrent leurs cimes défeuillées, retenant le limon resté dans leurs branches. (v.348) Le monde était rendu à sa forme première. Quand il le vit désert et la terre, ravagée, plongée dans un profond silence, Deucalion, les yeux pleins de larmes, s'adresse en ces termes à Pyrrha : « O ma sœur, ô mon épouse, ô la seule femme qui survive, toi, dont la communauté de la race et celle de l'origine, nos pères étant frères, toi dont le partage d'une même couche enfin a uni le sort au mien, le péril même, aujourd'hui, nous unit. Sur la terre, aussi loin que porte le regard du soleil couchant ou levant, nous sommes, à nous deux, toute la population ; le reste appartient aux flots. Mais cette a**urance même que nous avons de survivre n'est pas suffisamment encore solide. La terreur, en ce moment même, obscurcit mon esprit. Quel courage, si, sans moi, tu avais été arrachée aux destins, aujourd'hui, pauvre femme, aurais-tu? Comment, seule, pourrais-tu résister à la peur? qui t'aurait raffermi dans tes épreuves? Car, pour moi, crois-m'en, si le flot t'avait aussi engloutie, je te suivrais, ô mon épouse, et, à mon tour, le flot m'engloutirait. Oh! s'il m'était possible de repeupler le monde grâce aux moyens qu'employa mon père, et d'insuffler une âme à la terre façonnée par mes mains! Aujourd'hui, c'est en nous deux seuls que survit la race des mortels, - ainsi en ont décidé les dieux, - et nous restons les seuls exemplaires de l'humanité. » (v.367) Il se tut. Leurs larmes coulaient. Ils résolurent d'implorer la divinité céleste et de demander son aide en interrogeant les oracles sacrés. Sans retard, ils se rendent ensemble sur les bords du Céphise dont les eaux, sans avoir recouvré toute leur limpidité, coulaient maintenant dans la tranchée de leur lit familier. Alors, après y avoir puisé une onde purificatrice dont ils arrosèrent leurs vêtements et leur tête, ils tournèrent leurs pas vers le sanctuaire de la sainte déesse, dont le faîte était honteusement terni par la moisissure et dont l'autel se dressait sans feu. Dès qu'ils eurent posé le pied sur les degrés du temple, ils tombent tous deux à genoux, courbés jusqu'à terre ; et, tremblants, ils baisèrent la froide pierre. Puis : « Si, vaincus, dirent-ils, par des prières respectueuses des rites prescrits, les divinités détendent leur rigueur, si la colère des dieux se laisse fléchir, dis-nous, Thémis, par quel moyen peut être réparé le dommage subi par notre race, et porte secours, ô toi qui est toute bonté, au monde plongé dans l'abîme. » La déesse fut émue et rendit cet oracle : « Eloignez-vous du temple, voilez votre tête et dénouez la ceinture de vos vêtements ; et, derrière votre dos, lancez à pleines mains les os de votre grand-mère » (v.384) Ils restèrent longtemps frappés de stupeur, et Pyrrha, la première, rompant le silence , parle de refuser d'obéir aux ordres de la déesse ; elle demande, d'une voix tremblante de crainte, qu'on lui pardonne de n'oser offenser, en lançant ses os, l'ombre maternelle. Cependant ils réfléchissent aux termes obscurs, au mystérieux sens caché de l'oracle rendu, ils les retournent en eux-mêmes et entre eux. Enfin le fils de Prométhée, d'une voix calme, ra**ure la fille d'Epiméthée : « Ou notre sagacité est en défaut, dit-il, ou l'oracle respecte la loi divine et n'exige de nous aucun sacrilège. Notre grande mère, c'est la terre ; les pierres sont, j'en suis sûr, dans le corps de la terre ce qu'il appelle ses os ; c'est elles qu'on nous ordonne de jeter derrière notre dos. » (v.395) Bien que cette interprétation de son époux eût ébranlé la fille du Titan, pourtant elle doute encore du résultat, tant ils se défient tous deux du sens des avis célestes. Mais que leur en coûtera-t-il d'essayer? Ils descendent, se voilent la tête, dénouent la ceinture de leurs tuniques et, suivant l'ordre reçu, lancent des cailloux derrière eux, tout en marchant. Les pierres - qui le croirait, si l'antique tradition n'en était garante? - commencèrent à perdre leur inflexible dureté, à s'amollir peu à peu et, une fois amollies, à prendre forme. Bientôt, quand elles eurent grandi et qu'elles eurent reçu en partage une nature plus douce, on put voir apparaître, bien qu'encore vague, comme une forme humaine, comparable aux ébauches taillées dans le marbre et toute semblable aux statues encore inachevées et brutes. Cependant, la partie de la pierre qui est comme imprégnée d'humidité et participe de la terre, se convertit en chair ; ce qui est solide et rigide se change en os ; ce qui naguère était veine, subsista sous le même nom. C'est ainsi qu'en un court espace de temps, par la volonté des dieux, les pierres lancées par les mains de l'homme prirent la figure d'hommes, et des pierres lancées par la femme naquit de nouveau la femme. Et depuis lors nous sommes une race dure, à l'épreuve du labeur, et nous montrons de façon probante de quelle origine nous sommes issus.