Molière - Dom Juan - Acte II, Scène 4 lyrics

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Molière - Dom Juan - Acte II, Scène 4 lyrics

DOM JUAN, SGANARELLE, CHARLOTTE, MATHURINE. SGANARELLE, apercevant Mathurine.- Ah, ah. MATHURINE, à Dom Juan.- Monsieur, que faites-vous donc là avec Charlotte, est-ce que vous lui parlez d'amour aussi ? DOM JUAN, à Mathurine.- Non, au contraire, c'est elle qui me témoignait une envie d'être ma femme, et je lui répondais que j'étais engagé à vous. CHARLOTTE.- Qu'est-ce que c'est donc que vous veut Mathurine ? DOM JUAN, bas, à Charlotte.- Elle est jalouse de me voir vous parler, et voudrait bien que je l'épousa**e, mais je lui dis que c'est vous que je veux. MATHURINE.- Quoi, Charlotte... DOM JUAN, bas, à Mathurine.- Tout ce que vous lui direz sera inutile, elle s'est mis cela dans la tête. CHARLOTTE.- Quement donc Mathurine... DOM JUAN, bas, à Charlotte.- C'est en vain que vous lui parlerez, vous ne lui ôterez point cette fantaisie. MATHURINE.- Est-ce que... DOM JUAN, bas, à Mathurine.- Il n'y a pas moyen de lui faire entendre raison. CHARLOTTE.- Je voudrais... DOM JUAN, bas, à Charlotte.- Elle est obstinée comme tous les diables. MATHURINE.- Vrament... DOM JUAN, bas, à Mathurine.- Ne lui dites rien, c'est une folle. CHARLOTTE.- Je pense... DOM JUAN, bas, à Charlotte.- Laissez-la là, c'est une extravagante. MATHURINE.- Non, non, il faut que je lui parle. CHARLOTTE.- Je veux voir un peu ses raisons. MATHURINE.- Quoi... DOM JUAN, bas, à Mathurine.- Je gage qu'elle va vous dire que je lui ai promis de l'épouser. CHARLOTTE.- Je... DOM JUAN, bas, à Charlotte.- Gageons qu'elle vous soutiendra que je lui ai donné parole de la prendre pour femme. MATHURINE.- Holà, Charlotte, ça n'est pas bien de courir sur le marché des autres. CHARLOTTE.- Ça n'est pas honnête, Mathurine, d'être jalouse que Monsieur me parle. MATHURINE.- C'est moi que Monsieur a vue la première. CHARLOTTE.- S'il vous a vue la première, il m'a vue la seconde, et m'a promis de m'épouser. DOM JUAN, bas, à Mathurine.- Eh bien, que vous ai-je dit ? MATHURINE.- Je vous baise les mains, c'est moi, et non pas vous qu'il a promis d'épouser. DOM JUAN, bas, à Charlotte.- N'ai-je pas deviné ? CHARLOTTE.- À d'autres, je vous prie, c'est moi, vous dis-je. MATHURINE.- Vous vous moquez des gens, c'est moi, encore un coup. CHARLOTTE.- Le vlà qui est pour le dire, si je n'ai pas raison. MATHURINE.- Le vlà qui est pour me démentir, si je ne dis pas vrai. CHARLOTTE.- Est-ce, Monsieur, que vous lui avez promis de l'épouser ? DOM JUAN, bas, à Charlotte.- Vous vous raillez de moi. MATHURINE.- Est-il vrai, Monsieur, que vous lui avez donné parole d'être son mari ? DOM JUAN, bas, à Mathurine.- Pouvez-vous avoir cette pensée ? CHARLOTTE.- Vous voyez qu'al le soutient. DOM JUAN, bas, à Charlotte.- Laissez-la faire. MATHURINE.- Vous êtes témoin comme al l'a**ure. DOM JUAN, bas, à Mathurine.- Laissez-la dire. CHARLOTTE.- Non, non, il faut savoir la vérité. MATHURINE.- Il est question de juger ça. CHARLOTTE.- Oui, Mathurine, je veux que Monsieur vous montre votre bec jaune. MATHURINE.- Oui, Charlotte, je veux que Monsieur vous rende un peu camuse. CHARLOTTE.- Monsieur, videz la querelle, s'il vous plaît. MATHURINE.- Mettez-nous d'accord, Monsieur. CHARLOTTE, à Mathurine.- Vous allez voir. MATHURINE, à Charlotte- Vous allez voir vous-même. CHARLOTTE, à Dom Juan.- Dites. MATHURINE, à Dom Juan.- Parlez. DOM JUAN, embarra**é, leur dit à toutes deux.- Que voulez-vous que je dise ? Vous soutenez également toutes deux que je vous ai promis de vous prendre pour femmes. Est-ce que chacune de vous ne sait pas ce qui en est, sans qu'il soit nécessaire que je m'explique davantage ? Pourquoi m'obliger là-dessus à des redites ? Celle à qui j'ai promis effectivement n'a-t-elle pas en elle-même de quoi se moquer des discours de l'autre, et doit-elle se mettre en peine, pourvu que j'accomplisse ma promesse ? Tous les discours n'avancent point les choses, il faut faire, et non pas dire, et les effets décident mieux que les paroles. Aussi n'est-ce rien que par là que je vous veux mettre d'accord, et l'on verra quand je me marierai, laquelle des deux a mon cœur. (Bas, à Mathurine.) Laissez-lui croire ce qu'elle voudra. (Bas, à Charlotte.) Laissez-la se flatter dans son imagination. (Bas, à Mathurine.) Je vous adore. (Bas, à Charlotte.) Je suis tout à vous. (Bas, à Mathurine.) Tous les visages sont laids auprès du vôtre. (Bas, à Charlotte.) On ne peut plus souffrir les autres quand on vous a vue. J'ai un petit ordre à donner, je viens vous retrouver dans un quart d'heure. CHARLOTTE, à Mathurine.- Je suis celle qu'il aime, au moins. MATHURINE.- C'est moi qu'il épousera. SGANARELLE.- Ah, pauvres filles que vous êtes, j'ai pitié de votre innocence, et je ne puis souffrir de vous voir courir à votre malheur. Croyez-moi l'une et l'autre, ne vous amusez point à tous les contes qu'on vous fait, et demeurez dans votre village. DOM JUAN, revenant.- Je voudrais bien savoir pourquoi Sganarelle ne me suit pas. SGANARELLE.- Mon maître est un fourbe, il n'a dessein que de vous abuser, et en a bien abusé d'autres, c'est l'épouseur du genre humain, et... (Il aperçoit Dom Juan.) Cela est faux, et quiconque vous dira cela, vous lui devez dire qu'il en a menti. Mon maître n'est point l'épouseur du genre humain, il n'est point fourbe, il n'a pas dessein de vous tromper, et n'en a point abusé d'autres. Ah, tenez, le voilà, demandez-le plutôt à lui-même. DOM JUAN.- Oui. SGANARELLE.- Monsieur, comme le monde est plein de médisants, je vais au-devant des choses, et je leur disais que si quelqu'un leur venait dire du mal de vous, elles se garda**ent bien de le croire, et ne manqua**ent pas de lui dire qu'il en aurait menti. DOM JUAN.- Sganarelle. SGANARELLE.- Oui, Monsieur est homme d'honneur, je le garantis tel. DOM JUAN.- Hon. SGANARELLE.- Ce sont des impertinents.