Sans que je puisse m'en défaire Le temps met ses jambes à mon cou Le temps qui part en marche arrière Me fait sauter sur ses genoux Mes parents l'été les vacances Mes frères et sœurs faisant les fous J'ai dans la bouche l'innocence Des confitures du mois d'août Nul ne guérit de son enfance Les napperons et les ombrelles Qu'on ouvrait à l'heure du thé Pour rafraichir les demoiselles Roses dans leurs robes d'été Et moi le nez dans leurs dentelles Je respirais à contre-jour Dans le parfum des mirabelles L'odeur troublante de l'amour Nul ne guérit de son enfance Le vent violent de l'histoire Allait disperser à vau-l'eau Notre jeunesse dérisoire Changer nos rires en sanglots Amour orange amour amer L'image d'un père évanouie Qui disparut avec la guerre Renaît d'une force inouie Nul ne guérit de son enfance Celui qui vient à disparaître Pourquoi l'a-t-on quitté des yeux On fait un signe à la fenêtre Sans savoir que c'est un adieu Chacun de nous a son histoire Et dans notre cœur à l'affût Le va-et-vient de la mémoire Ouvre et déchire ce qu'il fût Nul ne guérit de son enfance Belle cruelle et tendre enfance Aujourd'hui c'est à tes genoux Que j'en retrouve l'innocence Au fil du temps qui se dénoue Ouvre tes bras ouvre ton âme Que j'en savoure en toi le goût Mon amour frais mon amour femme Le bonheur d'être et le temps doux Pour me guérir de mon enfance