Je pars pêcher l'ablette dans les trous de Loire Je ne m'arrête pas, je suis à Montaigu Je cherche le mouchoir perdu De ma grand-mère La pluie rend sa langueur à la plage dorée Une noce descend à Saint-Paul par les grèves Il est minuit, la lande est pleine de lapins a**is en rond Autour d'un korrigan très pâle qui parle de la mort et des marins Je cha**e la bruyère et le thym en Sologne Fasciné par l'eau qui bout dans les marais Je cours après les trains qui rôdent sur la lande Je pars chercher la trace de l'ermite basque Qui a laissé pa**er la frontière aux chevaux La France, cette mer où je vogue à mon aise Seul face au vent et au silence en moi Autour de moi couché Comme un long chien blanc à l'ordre levé Je berce le sommeil des mares Les secrets dans les cours cachées La capitale du bon Dieu perdue dans les yeux de nos femmes Le soleil mouillé des matins où coule une fille noyée Le monde est un royaume étrange Dont le prince fou est curieux C'est un vieux prince sans enfant Qui se promène et se pavane Dans un long rideau gris et rouge Ainsi je vais comme le vent Je vais le long des palissades grises Chercher le soleil des enfants Je ne sais rien de moi, du monde qui m'appelle J'apporte les mots grands ouverts De mes routes, de mes folies Ici et là les mots brûlés dans les regards, étalés sur les tables brunes La chair, le sang, le jus et ce monde animal Les mots qui courent sous les choses Pubères, chauds, moites et vermillons Courant le long des trains, le long des routes Les mots pendus aux arbres et traversant les haies Inconnus, murmurés, aperçus, devinés Et ceux qui claquent le matin Quand flottent des chansons marines Du linge de femme au soleil Assis sur les talus, les mots et les jambes pendantes Et cet univers bariolé qui cherche sa femelle et ne sait pas pourquoi Je pars, je n'aime que les mots et les couleurs