Toute ta vie c'est celle de ce fleuve dont tu sors Il est fait des larmes du peuple dont tu sors Loire, fleuve profond, mémoire des pauvres, fleuve puissant Jeune homme, entends battre ton cœur réel, écoute Tu viens de loin, tu cours depuis quarante siècles dans ta jeunesse Tu as seize ans dans ce Paris de 1870 avec aux lèvres La neige de l'espoir et une chanson du poète Jean-Baptiste Clément Ou bien, dans la pluie d'une paroisse périphérique, tu sors de la messe Avec une dizaine d'amis de la jeunesse ouvrière, tu chantes La misère ouverte sur l'espérance des années quarante Et tu es fier parce que tes mains de travailleur ont poli le bois de la croix Maintenant les choses, ce n'est plus pareil et le temps pa**e. On t'a**ure Que tu ne fais plus partie de ces gens-là, la vie n'est plus si dure On te dessine un personnage de petit marquis: Deux trois bouts de diplômes et d'habits mode et on t'engage À te conduire sans abîmer ton joli costume d'enfant sage Mais ce que tu entends c'est le fleuve dont tu nais et qui vient de si loin Tu es debout dans l'Histoire du monde parmi les pauvres gens Et je te vois, riant, les mêmes mots plein le visage et ruisselant Dans le soleil avec une flamme rouge dans la main Quelque part sur une barricade située en mai dans les années 80