Loire bleue, Loire noire, lame d'acier, flamme bleue Paysage des rois heureux Loire bistre, chanson large, chanson triste pour les yeux Ô vieille Loire, ô vieille femme usée Je t'aime ainsi, vieille gloire rusée Dans ta vieille crue, possessive, ardente Bouche cruelle, orgueilleuse et violente Hanches puissantes, cheveux détachés Et cherchant de l'amour dans la vallée Je t'aime ainsi et je t'aime en avril Avec ces grands beaux yeux de jeune fille Et tes foucades, chiffons et guenilles Tes deux beaux bras charnus dans la lessive Si arrogante envers nous et si vive! Et ton rire, fuyant au loin par les levées Loire bleue, flamme noire, lame en acier, flamme bleue Loire dont je suis amoureux Femme triste, qui de chacun fait un artiste, foulard tombé des cieux En jeune femme, en juin, bavarde et tendre Je t'aime en août, puante de désir Les longs soirs lourds et lents quand tu viens jouir Nous envoûter, te donner, te reprendre Et ton silence, impossible à comprendre Et le bonheur, impossible à saisir Loire bleue, Loire noire, Loire royale des gueux Des poètes, des enfants heureux Loire verte, qui conduis chaque homme a sa perte, loin! Aux cieux! Tu descendais en tailleur dans l'automne Dame venant d'ailleurs, sévère et bonne Si distinguée, si stricte, dans ses vignes Dictant sa loi à l'orage et aux hommes Aux ponts alignés, aux armées avides Et tu te perdis vers les bouges, dans les villes Loire bleue, flamme noire, femme d'acier, lame bleue Emmène-moi, partons où tu veux Mauve et noire, en satin, en soie, en moire, où tu veux Ô volupté, où t'en vas-tu sans cesse? Ô volonté, ô Loire, ô maîtresse Où voulais-tu aller sans moi? Mais vas-y donc! {x2:} Où tu t'en vas, emporte ma jeunesse Ma solitude, mon deuil, ma pa**ion Sur ton dos nu, puisque tu es une chanson {x2:} Loire bleue, sans mémoire, sans remords, sans aveu Dont tout un pays est amoureux Femme libre, sois un hymne, pour les yeux