Jacques Bertin - Roman lyrics

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Jacques Bertin - Roman lyrics

Il descendait de la montagne et du silence et devant lui les hommes Là-haut il était seul, on n'entend que le vent Il descendait, dans sa tête il cherchait la parole implacable Qui le lierait au monde, aux hommes et à lui-même à tout jamais Vers lui vous avanciez bardés d'objets, petits, malingres L'histoire sur vous refermée ainsi qu'un guichet qu'on abat Vous ne disiez que quelques mots, que quelques mots, toujours les mêmes Vous ne saviez qui vous étiez, la terre roulait sous vos pas Il descendait, vous lui disiez "Tu viens, tu es des nôtres" Vous lui disiez "Tu es une part de nous-même", il ne vous aimait pas Il était jeune, il cherchait Dieu, il ne cherchait que la parole Comme un ventre large et lumineux où tout se calme et le vent s'abat Mais il glissait vers vous et il sentait l'odeur des hommes Il se sentait sombrer, il ne vous aimait pas Vous lui tendiez les mains, les mains rongées, les os : regarde ! Il voyait qu'il avait les mêmes mains, la même mort collée au bout des doigts Il entendait votre plainte sur la ville et elle sortait de sa bouche Il vous voyait égorgés dans les ravins de l'Algérie Il entendait son propre râle qui montait du métro Charonne Au Vercors il se levait avec les ombres battant l'air sur les croix Près de Chateaubriant dans les haies les fusillés chantent La nuit dans les banlieues les affiches se décollent au vent Ce sont toujours les mêmes mots à terre simplement qui demandent qu'on les prenne Et qu'on les porte de main en main, surtout qu'on n'oublie pas Les mêmes mots toujours la nuit, identiques et la veille Le même chant, le même râle, peu de choses, des mots blessés Faites que nous n'ayons pas vécu pour rien. Cela est simple Et ce chant durera comme la Terre durera L'ennemi est plus fort que jamais aujourd'hui que notre chant est faible Les mêmes mots viennent de Billancourt, de Prague et de Madrid C'est toujours le temps de dresser des barricades de paroles C'est toujours aujourd'hui qu'il faut défendre ce brasier-là Une femme pa**ait avec aux yeux la même larme Le même rêve écrasé au fond des yeux. Ils se sont reconnus Quelques instants et une porte déjà qu'on referme Sans mentir il avait eu le temps de lui dire qu'il l'aimait Il pariait chaque instant, il parlait de choses présentes Il était de tous les combats systématiquement Il n'avait pas d'espoir, pas d'avenir, il était ivre Il se tenait dans l'Histoire comme le pleur arrêté d'un enfant