Je suis venu au monde Dans un siècle fantasque Où on laissait les gosses Faire du vélo sans casque Se construire des cabanes Perchées dans les branchages Et boire de l'eau à même Le tuyau d'arrosage S'il est toujours risqué D'aborder l'existence Naître, à cette époque-là, Ça frisait l'inconscience Logés dans des maisons Isolées à l'amiante De la peinture au plomb Sur les murs de nos chambres Je tiens à m'excuser D'être toujours vivant Si je le suis resté Ce n'est qu'un accident J'ai rien à m'reprocher Je suis un bon vivant Un joyeux rescapé Qui n'comprend pas comment Pas de consoles de jeux En ces temps reculés On grimpait sur les murs On s'battait pour de vrai C'était le Moyen Age Un monde impitoyable De mômes abandonnés Sans téléphones portables Le long d'la nationale On faisait dévaler Des machines infernales Des bolides bricolés Avec des planches pourries Pleines d'échardes et de clous Et même le tétanos Ne voulait pas de nous Je tiens à m'excuser D'être toujours vivant Si je le suis resté C'était un accident Je ferai un procès Plus tard à mes parents Faut pas proliférer Sans réfléchir avant Tout ça, c'est du pa**é Le dimanche en voiture On partait pique-niquer Sans airbags ni ceinture Sans glacière, sans télé Tout l'monde trouvait normal Les sandwichs enroulés Dans du papier journal Quand je fais l'inventaire À travers ces années Des morts et des misères Auxquelles j'ai échappé Aujourd'hui, j'ose le dire, Pour faire des vieux os Avec si peu d'avenir Faut qu'on ait eu du pot Je tiens à m'excuser D'être toujours vivant Si je le suis resté C'était un accident Je veux pas déranger Je resterai pas longtemps Encore deux, trois baisers Quelques accouplements