Bon ben j'suis encore pa**é en dessous d'la table du festin de la vie, pis c'est pas fini. J'ai plus d'problèmes d'abri fiscal, j'ai des problèmes d'abri normal, pis mes chums aussi. Dire que dans l'temps on était connu. On jouait du jazz le soir dans les boîtes de nuit. Des fois, on se faisait même reconnaître dans la rue mais le jazz est mort pis notre carrière aussi. Michel jouait du balai comme la meilleure des ménagères mais lui il balayait sur sa caisse claire. Il jouait un peu comme Buddy Rich mais en moins riche et en moins beau. Mais sa batterie rentrait dans son auto. Rodolphe n'était jamais pressé, sauf peut-être des fois quand il voulait aller se coucher. Quand il lâchait sa guitare pour dire «merci» et s'en aller, c'tait toujours pour aller relaxer. Fred était le contreba**iste. Mais avant tout un philosophe existentialiste. Pour divertir pendant le spectacle il faisait un peu de tir à l'arc. Essayez pas, les cordes débarquent. Maintenant on vit sur les terrains vagues et dans les rues. On parle aux pigeons parce qu'eux autres ils nous reconnaissent encore. Vedette un jour mais ç'dure pas, si on avait su... on l'aurait fait quand même parce qu'on a des têtes de porcs. Claude jouait de la mandoline, de l'harmonica et d'la guitare, d'l'accordéon et quoi encore? Il jouait un peu comme un Django mais avec quelques doigts en trop. Il pa**ait son temps à faire des jeux de mots. Maintenant c'est lui qui nous fait vivre à tous les jours. Il pa**e ses journées dans les ruelles à faire le tour. Il vend c'qu'il trouve pour qu'on ait quelque chose à manger Pis même si on entends plus rien on continue à jouer pis on va jamais s'arrêter. Rudy était reconnu pour ses paroles. Pas celles qu'il chantait mais celles qu'il oubliait. pis c'est sur nous que ça retombait. Comme un oiseau qui part et qui s'envole, sa mémoire se promenait