Parlez-moi d'amour (*3) Tu veux qu'j'te parle de rue Que je n'te parle plus de barres de rire Que j'parle de... chut... Te dire que toutes nos fantaisies, au coin de nos avenues Sont devenues délit Que cinq jeunes qui s'attroupent est un danger plus grand que mille mendiants à New Delhi Tu veux qu'j'te parle de droits de l'homme Te dire qu'en France ce n'est qu'une apparence Qu'on efface d'un coup d'gomme sans qu'personne n'le soupçonne Ou bien qu'je parle de flics De répression, de c'qu'elle implique Te dire qu'les coups d'pression sont devenus systématiques Qu'il faudrait d'nouveaux mots à inventer pour décrypter tout c'que l'système applique Pauvricide, médialiénation télémagogique Tu veux qu'j'te parle de ces hommes De ces femmes qu'on enferme Qui ont beau crier "sésame ouvre-toi", ce sont toujours de lourdes portes qui se referment Ou bien qu'je parle des mécanismes qui désinforment Des nouvelles formes de violence légitime Le monopole des élites se renforce Tu veux qu'j'te parle des moins de 25 ans Qui gagnent leur pain mais perdent leur temps dans des contrats précaires, des pseudo-missions d'intérim Ou bien qu'j'te dise de cette machine pleine de surprises qu'elle fera d'nos petits, de nos bambins, une putain d'armée de Mesrine La médecine pour les riches, voilà c'qui se dessine Et nous pourrons crever au bas d'l'affiche, voilà c'qu'on nous destine Tu veux qu'j'te parle des conditions de vie dans les prisons françaises Te dire qu'on y torture, qu'on censure le suicide dans le silence de glaciales parenthèses Ou bien qu'je parle des bavures policières par nature Forcément confidentielles et certainement nocturnes Que dire? Que des quartiers entiers vivent à l'écart Des fantômes gris cernés par des cars de bleus Dans un décor horrible, tout planté d'arbres morts Tu veux qu'j'te dise que le pouvoir est comme un livre Écrit à l'encre noire de pulsions divisibles Que la justice n'est pas aveugle, que ses coulisses sont invisibles Pour la police faut même pas l'Deug donc je préférerais l'usine Même si les réseaux s'enracinent dans des principes indicibles Entre raison et Narcisse et dans l'odeur d'un racisme ambiant Tu veux qu'j'te parle des 39 heures d'un standardiste Du ventre vide d'un RMiste, du sourire satisfait de nos patrons sinistres Ou bien qu'je parle de tous ces logements vides Tandis qu'des milliers d'sans-abris survivent dans l'froid Et dans la faim d'un bol de riz Tu veux qu'j'te parle des charters surchargés qui s'arrachent du sol Qui laissent les amours clandestines que nos frontières consolent Ou bien qu'j'te dise des travailleurs migrants qu'ils dorment dans les sous-sols Des ministères qu'ils ont construits Dans les odeurs d'aérosol Parlez-moi d'amour (*3)