Lucan - De l'oisiveté lyrics

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Lucan - De l'oisiveté lyrics

Comme nous voyons des terres oysives, si elles sont gra**es et fertilles, foisonner en cent mille sortes d'herbes sauvages et inutiles, et que pour les tenir en office, il les faut a**ubjectir et employer à certaines semences, pour nostre service. Et comme nous voyons, que les femmes produisent bien toutes seules, des amas et pieces de chair informes, mais que pour faire une generation bonne et naturelle, il les faut embesongner d'une autre semence : ainsin est-il des esprits, si on ne les occupe à certain subject, qui les bride et contraigne, ils se jettent desreiglez, par-cy par là, dans le vague champ des imaginations "Sicut aquæ tremulum labris ubi lumen ahenis Sole repercussum, aut radiantis imagine Lunæ Omnia pervolitat latè loca, jamque sub auras Erigitur, summique ferit laquearia tecti." Et n'est folie ny réverie, qu'ils ne produisent en cette agitation "velut ægri somnia, vanæ Finguntur species." L'ame qui n'a point de but estably, elle se perd : Car comme on dit, c'est n'estre en aucun lieu, que d'estre par tout: "Quisquis ubique habitat, Maxime, nusquam habitat." Dernierement que je me retiray chez moy, deliberé autant que je pourroy, ne me mesler d'autre chose, que de pa**er en repos, et à part, ce peu qui me reste de vie : il me sembloit ne pouvoir faire plus grande faveur à mon esprit, que de le laisser en pleine oysiveté, s'entretenir soy-mesmes, et s'arrester et ra**eoir en soy : Ce que j'esperois qu'il peust meshuy faire plus aysément, devenu avec le temps, plus poisant, et plus meur : Mais je trouve "variam semper dant otia mentem," Qu'au rebours faisant le cheval eschappé, il se donne cent fois plus de carriere à soy-mesmes, qu'il ne prenoit pour autruy : et m'enfante tant de chimeres et monstres fantasques les uns sur les autres, sans ordre, et sans propos, que pour en contempler à mon ayse l'ineptie et l'estrangeté, j'ay commencé de les mettre en rolle : esperant avec le temps, luy en faire honte à luy mesmes