Les romanichels Juliette Je serai enlevée par des romanichels Lors d´une nuit d´hiver d´un noir providentiel, Au carreau de ma chambre, ils frapperont trois fois J´ouvrirai la fenêtre, on parlera tout bas Je sentirai des mains aux griffes animales Se refermer sur moi en un piège fatal Et puis, les yeux fermés, je me laisserai prendre Et voler dans les ombres par des vieilles méchantes Ma vie s´ébranlera dans un bruit disloqué Au rythme cahotant d´un cheval fatigué Alors, il y aura des enfants de mon âge Qui viendront se moquer dans leur rauque langage J´aurai peur au début mais je m´habituerai Aux faces inquiétantes de mes frères, désormais Je vivrai de vos restes dans les champs d´épandage Qui feront sous la lune un curieux paysage Les gendarmes viendront réclamer quelques poules Qu´on aurait dérobées au cheptel des fripouilles. Bourgeois, vous aurez peur des sourires édentés De nos hommes mendiants qui savent rempailler Mais vous viendrez souvent dans le secret espoir De voir une Vénus fleurir au dépotoir J´apprendrai l´art de lire au creux de vos mains blanches Vos destins sans surprise, vos amours du dimanche, Entre l´homme-éléphant et la femme élastique Je vous délivrerai mes secrets maléfiques. Vous donnerez cent sous pour la bonne aventure Puis, vous repartirez vers d´autres impostures Moi, je vous maudirai, vous ne le saurez pas, Et Matteo rira en crachant sur vos pas Arrimés à vos biens, ligotés sur vos lits, Vous me verrez pa**er, je vous ferai envie Mais vous ne serez plus des enfants qu´on dérobe J´emporte vos regrets dans les plis de ma robe Je ne vieillirai plus, vous serez déjà morts, Aimez-moi maintenant, mes amis, mes trésors, Il sera bien trop tard et vous pourrez pleurer Quand les romanichels... Viendront... Pour m´enlever