[Suga] Elle traverse une fenêtre, raie de lumière, à l'eau de beauté Paréo en bazin et mes yeux ont un point de côté Dans ses sabots, les ongles vernissent les orteils La mannequin ne marche pas comme le commun des modèles Légère sur l'asphalte, la chair envoûtante Tellement naturelle qu'elle en devient polluante Je sors de mon échoppe avant qu'elle ne m'échappe Derrière elle, je prends des notes sur les tresses qui la nattent Je la suis, indiscret et déjà vorace Au carrefour, elle s'arrête à une terra**e Je pa**e devant sa table, une soucoupe, une ta**e Un livre, et une petite cuillère qui fait la préface De sa bouche, lèvres lippues et inégales La petite cuillère me nargue et se régale Alors je m'a**ieds et la belle pose l'ustensile Tranquille, son regard me mutile J'baisse les cils et lui propose un sucre dans son mafé Elle m'répond qu'elle met pas de riz dans son café Je souris pour effacer le blanc Elle m'ignore pour combler l'instant Je suis toujours là mais je pense à m'enfuir Deux, trois minutes qu'elle s'est remise à lire Un fantôme, c'est comme si je n'étais pas là Je pourrais lui dire ce qu'elle m'inspire, elle ne me croirait pas Heureusement, le garçon du bar vient me servir d'offrande Pour séduire, je mise sur deux jus de mangue La commande partie, j'en profite et demande à la belle Si son cœur est à prendre et la belle Me rétorque le nez dans son recueil de nouvelles : "Commencez par savoir comment je m'appelle" Deux-zéro, balle au centre Je suis affamé d'une femme qui m'éventre Les jus sont posés, elle boit sans vergogne Je m'attarde sur ses mains et mes envies s'additionnent Je parle sans savoir, lui raconte Que j'fermerais boutique, si j'ne pouvais la voir Qu'elle excite les chakras de chacun de mes sens Qu'elle me replonge dans les émois de mon adolescence Que sans nous connaître, tous les jours à l'ouverture J'ai l'impression que nous sommes déjà en aventure [Gaël Faye] Troublé par l'épilogue, de ce recueil de nouvelles Par l'histoire d'un libraire et d'une femme saveur cannelle Je me remets de ma lecture, je l'avoue, un peu déçu Par ce livre au titre ambigu, mélangeant lait-café-sucre Perdu dans mes songes, a**is sur un banc public Après-midi, soleil bleu ciel, sur une brise un peu pudique Quand tout à coup comme un éclair jouant d'un turbulent silence Me voilà chaviré par l'onde des effluves d'une fragrance Elle est là, elle, solennelle, sauvagerie d'Epinal Cette femme arpégeant comme une orgue, dans mon cœur cathédrale Je la suis, indécise, ma lascive est ma cible À une terra**e, elle s'a**igne et je la sens mal a**ise J'aurais voulu lui parler, mais déjà je m'enfuis Mon courage à demain car trop timide aujourd'hui Mais en quittant la terra**e, je suis saisi par le bras Je me retourne, à ma surprise, il s'agit du garçon du bar Il m'indique que le client doit payer ce qu'il consomme Je lui rétorque, scandalisé, qu'il y a erreur sur la personne Agacé à son tour, il me tend sèchement la commande Je saisis donc l'addition qui indique, deux jus de mangue...