Je n'étais pas sorti depuis le grand labour J'attendais que les cris s'espacent et cessent enfin Entre mourir de peur ou bien mourir de faim J'ai pris tout mon courage et rampé vers le jour Tu sais, j'ai survécu dans un endroit bizarre Au fond d'une ambulance à moitié calcinée Vivant parmi les morts et comme halluciné Au coin de ce que fut notre gare Saint-Lazare Je respire un grand coup et voilà que revient Le soleil espéré et que cesse la bruine Je trouve ce papier qui volait dans les ruines Et j'écris cette lettre pour te dire : Tout va bien Tout va bien Ici Tout va bien On sent A des riens Que la Vie revient Tout va bien Mais oui Tout va bien Et le Quotidien Le dit Le maintient Tout va bien Amour Pour ton chien Pour les Parisiens Pour moi Et les tiens Tout va bien Crois-le Tout va bien Bonjour Tout va bien Je t'aime Tout va bien J'ai marché dans les rues, ton ombre dans la mienne Les vainqueurs distribuaient la soupe à l'Opéra J'ai lapé dans le bol tendu par un para Là où nous goûtions les tempêtes wagnériennes On avait déblayé boulevard des Capucines Vers l'Olympia en ruines, j'ai vu quelques putains C'est bon signe je crois lorsque le vieil instinct Narguant les convenances remonte des racines J'ai fait un grand détour pour ne pas rue Royale Contempler le charnier où grouillent encore les rats C'est là où fut dit-on abattu Jean Ferrat Et le vent apportait des musiques martiales Les vainqueurs défilaient commentés par Zitrone Moi je ne disais rien, les yeux sur la télé Ta mère se lamentait : ses opalines fêlées Malgré l'ordre et la paix la faisaient rire jaune Allez mon petit Jean, votre quartier est triste Et rempli de cadavres en décomposition Restez donc à dîner, il y a une émission Avec Mireille Mathieu, je l'aime bien comme artiste Mais puisque vous partez, prenez garde aux patrouilles Ils ont parqué les rouges au Palais des Congrès Dans le Palais des Glaces, les pédés sans regret Et au Palais des Sports, vos chers juifs ont la trouille Pour revenir chez nous, comment pa**er la Seine ? Barbelés sur les ponts, barbelés sur les quais Près d'un cratère, j'ai cru revoir le mastroquet Où nous nous retrouvions en des heures moins malsaines Ce bistrot déglingué, c'était tout notre empire Le futur y avait un visage précis Naïfs que nous étions et aveuglés aussi Qui nous imaginions pouvoir prévoir le pire Adieu notre jeunesse, voilà le temps qui vient Du bâillon, des oeillères et de la pestilence Le temps des ovations et celui des silences Que l'on ne rompt que pour se redire : Tout va bien Tout va bien Ici Tout va bien On sent A des riens Que la Vie revient Tout va bien Mais oui Tout va bien Et le quotidien Le dit Le maintient Tout va bien Amour Pour ton chien Pour les Parisiens Pour moi Et les tiens Tout va bien Crois-le Tout va bien Je t'aime Tout va bien Adieu Tout va bien Vivace mon amour, on essaiera de l'être Tu le seras aussi, comme cette vie qui va Comme l'est ce brin d'herbe cueilli dans les gravats Que je glisse pour toi dans le pli de ma lettre