Un instant comme tombé de la poche, une cigarette Un instant ou une herbe arrachée à l'eau Une césure dans la course, dans l'haleine Une mesure pour rien juste avant le sanglot Une blessure qui coupe en deux l'oreille de la plaine Pour y jeter un fleuve comme un filet d'eau Si tu parles, c'est sans importance Parle de la présence du corps et du repos Dans l'épaule, un instant immobile dans l'épaule de la terre Arrêté entre les deux pages du livre, un instant Un regard sur la vie ra**emblée, la vie entière Dans un étage le piano sous les doigts d'une enfant Le silence sur les toits, la musique Et juste en dessous des certitudes, cet instant Juste en dessous des paroles, des promesses, des habitudes Pour se reconnaître étranger à soi-même et fort un instant Un instant sur le pont où c'est moi-même arqué entre les rives Et de partout l'appel qui gonfle, l'appel incertain Le bruit, le bruit de la rue, des chantiers, le bruit du sang Dans les artères le bruit, toujours le même bruit de la fatigue et de la peur, le bruit du sang La vie ou quelque chose comme d'habitude Qui n'ose pas dire son nom. Peut-être l'amitié pour les hommes Un fruit volé sur un étal et rien de plus Un instant dans cette chambre où une femme se déshabille Lentement dans le silence protégé de ses rideaux