Je suis une ville dont beaucoup sont partis Enfin pas tous encore mais ça se rétrécit Il reste celui-là qui ne se voit pas ailleurs Celui-là qui s'y voit mais à qui ça fait peur Et celle-là qui ne sait plus, qui est trop abrutie Qui ne sait pas où elle est ou qui se croit partie Je suis une ville où l'on ne voit même plus Qu'un tel n'est pas au mieux, lui qu'on a toujours vu Avec les joues bien bleues, avec les yeux rougis Ou avec le teint gris, mais bon, avec l'air d'être en vie Un jour il est foutu et peu comprennent alors Que la mort a frappé quelqu'un de déjà mort Je suis une ville de chantiers ajournés De fêtes nationales, de peu de volonté De fraises qui prolifèrent le nez bien dans le verre De retrouvailles pénibles car sur un pied de guerre De visites écourtées ou dont on désespère Je suis une ville couchée la bouche de travers Parce qu'il y fait trop froid, parce que c'est trop petit Beaucoup vont s'en aller car beaucoup sont partis Il en revient parfois qui n'ont pas tous compris Ce qui les ramène là et les attend ici Ils ne demandent qu'à dire combien ils sont heureux D'être là à nouveau, qu'on les y aide un peu Qu'ils ne comptent pas sur moi pour les en remercier On ne remercie pas ceux qui vous ont quittés Qui reviennent par dépit et ne le savent même pas Ils ne savent rien de rien et pourtant ils sont là Et je suis encore fière et plutôt dépérir Que de tout pardonner, que de les accueillir Je suis une ville dont beaucoup sont partis Enfin pas tous encore mais ça se rétrécit Et je suis bien marquée, d'ailleurs je ne vis plus Que sur ce capital, mes rides bien en vue Mais mes poches sont vides et ma tête est ailleurs Je suis une ville foutue qui ne sait plus lire l'heure Qui a oublié l'heure Qui ne sait plus lire l'heure Qui a oublié l'heure