Le fouet cinglant du froid d'hiver qui nous mordait la joue
L'absence étouffée de mon père, une rose et deux choux
Les draps qu'on plie avec sa mère en joignant les deux bouts
La craie sur le tableau austère, les chemins de cailloux...
Le temps emporte tout!...
La conscience de l'univers, l'inconscience de nous
La fille qui s'était laissée faire, et le goût des cachous
Les lacets qui se laissent pas faire, écorchés, les genoux
Les rapporteurs et les équerres, Ornicar, il est où?
Le temps emporte tout!...
Toutes les envolées lyriques des promesses inutiles
Tous les mensonges authentiques des serments immobiles
Tout fout l'camp!...
Le temps emporte tout!...
Le temps emporte tout!...
Quand aujourd'hui sera hier
Tu ne t'en souviendras plus guère
Alors la vie, c'est maintenant!...
Ici!... Et tant pis pour le temps!...
Nos années de nuits somnifères, nos journées de hibou
L'immobilité délétère, nos actes les plus mous
Ce qui nous a rendus très fiers, avant et après coup
Le mercurochrome et l'éther, les promesses au mois d'août...
Le temps emporte tout!...
La jeunesse qui se désaltère sans trop craindre le loup
Romantisme crépusculaire que l'aube aura dissout
Même notre peur de la guerre partira avec nous
Comme l'échoppe d'un vieux disquaire, le manitou d'un sioux...
Le temps emporte tout!...
Tous nos actes tragi-comiques, nos silences imbéciles
Nos révolutions esthétiques, nos opinions faciles...
Tout fout l'camp!...
Le temps emporte tout!...
Le temps emporte tout!...
Quand aujourd'hui sera hier
Tu ne t'en souviendras plus guère
Alors la vie, c'est maintenant!...
Ici!... Et tant pis pour le temps!...
La vaine illusion des prières qu'on a rouée de coups
Tout c'qu'on a fait en solitaire, et qu'on garde pour nous
Des jardins extraordinaires qui poussent dans la boue
Tout ce qu'on aura pu en faire, pour sertir un bijou
Le temps emporte tout!...