Les rêves ça pousse sous la pluie quand la dernière larme fait déborder la rigole et le flot t'emporte loin très vite et tu ne sens plus le froid l'eau qui te mouille et tu respires dans la vague en déclarant aux poissons plutôt crever, plutôt mourir que ne pas vivre. Alors, alors ils t'écoutent sachant bien que tu n'es pas d'ici et comme un étranger rentrant chez lui, tu vas partir tu n'es pas de ce monde et ta femme jalouse possessive et redoutable a laissé sur toi son parfum tenace et visqueux. Madame la mort ne supporte pas d'incartades, tout juste elle te donne du mou. Faire le fanfaron déchiré sur un comptoir à hurler pour un panier de crabes, une tribu de morues et un banc de maquereaux en brandissant ton poing rageur. Moi c'est pas ma femme qui porte la culotte. Alors ils rient ou s'émeuvent du ridicule ou de la naïveté et les conversations reprennent chacun dans sa bulle d'eau propre, les poissons s'en branlent, ils ne viendront pas chez toi vérifier. A-t-on déjà vu un poisson sortir de l'eau et visiter la réalité?
Il ya pourtant tant de choses à dire, tant de choses à faire, tant de barreaux à scier avec les dents qui restent. Il y a tant de morts à vivre en toi, cimetière ambulant de souvenirs de chair et de sang d'espoirs ina**ouvis, abattus en plein vol. Tant de haine qui ne se tait que pour reprendre son souffle, tant d'amour jamais si vrai qu'au moment où il fait mal, tant de choses à dire, tant de chemin parcouru pour n'oublier que les autres qu'on traverse et qu'on transperce pour se retrouver tout rouge, la bouche dégoulinante d'une valve qu'on mâche encore. Il y a tant de vérités qui ne servent qu'à mentir, tant de merde pour chaque jour sortir de mon cul. Il y a tout ce qu'on mange et tout ce qu'on tue, il y a tant d'amis d'aujourd'hui qui déversent des mots qui flattent mon ego, comme la croupe d'un cheval de labour et qui plongent dans le sillon définitivement impur. Il y a tant de feux-follets, femmes étincelantes qui percent ma ténèbre l'espace d'un instant, juste un instant, t'es pas rendu mon gars.
Il y a tant de choses en toi, alors la marée s'en va et les poissons avec elle. Alors planté dans la vase tu sais qu'elle t'attend et qu'à mesure que l'eau descend sous ta peau tu la sens qui récupère son bien, tu lui appartient, alors elle te ramène chez toi titubant et te borde dans ton lit froid et elle gèlera tes rêves pour que tu ne t'y noies pas, pas encore et tu sens ton corps flétrir et racornir sous le gel à mesure qu'à l'intérieur gonfle ton coeur et encore une nuit à attendre de savoir si tu tiendras les pressions à se demander pourquoi ne pas laisser béton.Cette histoire n'est plus la tienne. Il est mort depuis longtemps le beau jeune homme au talent, il ne reste que sa rage qui demain te tiendra debout, momie raidie par le froid avec juste la force de pleurer sous cette putain de pluie où naissent les putains de rêves