Moi dans les images que j'aime bien
C'est les gens et le chiens
Dans la rue l'hiver quand il fait nuit
Je me penche voir l'intérieur des appartements
Qu'allument leurs fenêtres
C'est comme chez moi, mais chez les autres
Sauf qu'on a coupé le son
C'est comme si on avait remplacé
Les fausses plinthes et les fausses épaves
Du bocal de moi poisson rouge
Par le mobilier d'une chambre de poupée
On se sent grand, on peut montrer du doigt les choses
On peut dire n'importe quoi, ils ne nous entendent pas
Nous, on est dehors et eux, dedans
On les voit qui cherchent ci et ça
Qui remontent leurs pantalons
Qui parlent à leurs chiens
Qui s'admire dans le miroir
On les voit comme jamais on ne peut les voir
Dans la rue, au magasin, chez Shopi...
On les a comme dans la vraie vie
On les a en face, y'a que la vitre en plus et le son en moins
Les gens, les chiens. Avant les gosses
Les chiens on les éduquera bien
À coup de trique s'il le faut
À coup d'interdits, de morale, de convenance
Quitte à tuer dans l'œuf toute confiance en soi
Tout espoir, toute imagination
Toute autonomie, toute réaction
Toute énergie, toute pensée par soi-même
Toute liberté et toute éthique
Toute créativité et toute critique
Imprononçablement à tout manger
À obéir, à endosser, à bien se tenir
À s'adapter, à ne pas médire
À espérer sans réfléchir
À ravaler son caquet
Consommer sans broncher
Avilir, à mépriser et à sourire
À maîtriser sans a**ouvir
À professer avant de trahir
À s'oublier de s'endormir
Et les gosses de devenir de vrais gens
Se ronger les sangs dans un décor en carton-pâte
La preuve par cinq de la réussite :
Une belle maison, une belle femme, une belle voiture
Un bon travail, être fier, décent
Dans l'anthropocentrisme affligeant
À parler aux clébards comme aux enfants
Moi dans les images que j'aime bien
Y'a les gens et les chiens