C'n'était qu'un décor, j'm'en souviens à peine
Une petite banlieue dormant sur la Seine
Paris à ses pieds, si proche si lointaine
C'est là qu'j' vivais quand j'avais la douzaine
C'était triste même quand il faisait beau
Mais on s'en foutait on était minots
Paré pour le monde le cartable au dos
En prenant la rue Roger Salengro
La petite bande allait au bahut
Comme tous les matins en menant chahut
On s'courait après on s'tirait dessus
Et pour être heureux, n'en fallait pas plus!
Piquer des bonbecs tâter d'la goldo
Pour jouer les durs comme à Chicago
Les mains dans les poches et le verbe haut
Régnant sur la rue Roger Salengro.
Je trainais plutôt avec les garçons
On partageait les mêmes conversations
Sur le maillot jaune, et la science fiction
Un avis sur tout et des convictions
On brandissait nos bien trop grands drapeaux
Et ça oui, pour sûr, on était coco
Enfants de Thorez et de Jacques Duclos
Enfants de la rue Roger Salengro
Etre enfin adulte rendrait plus facile
Tout ce que voulaient nos désirs1 puérils
La paix, le progrès, une automobile
On imaginait c'que s'rait l'an deux mille.
En voyant pousser au pont de Puteaux
Le verre et l'acier des tours de bureaux
Qui r'gardaient de haut, vigie du cargo
La petite rue Roger Salengro.
J'n'ai jamais repris le chemin qui mène
Du Mont Valérien au bas de Suresnes
Et mes souvenirs à la p'tite semaine
Ne val'nt sûr'ment pas qu'j'en fa**e une rengaine
On a l'temps d'apprendre et bien a**ez tôt
Que la vie n'fait pas toujours de cadeaux
Et la nostalgie n'est qu'un p'tit bobo
Bien loin de la rue Roger Salengro
Mais p'têt' que le monde s'rait un peu plus beau
Si l'on n'faisait pas d'ses rêves de marmot
Des petits bateaux partis à vau-l'eau
Au ruisseau d'la rue Roger Salengro