Le petit chapeau à voilette
Le tailleur noir et les gants blancs
Une broche qui brille, une violette
La pionne du lycée des filles
Elle est folle depuis longtemps, longtemps
Elle est folle en effet, elle court dans les rues
Fendant des groupes depuis cinquante ans
L'air de rien voir, tête couverte, tête nue
Elle se précipite vers des extases, vers des retours, et ses vingt ans
Au lycée, l'an mille-neuf-cent-trente-huit, l'air d'un prince
Est arrivé, lunettes cerclées d'or et les yeux bleus
Un diplômé de sciences, un parti pour toute cette province
Toutes ces filles de chanoines et de marchands d'œufs
La ville est grise et la pluie quotidiennement dit son bréviaire
Dès sept heures sonnantes on se rama**e dans ses murs
On change les fleurs dans les vases, on marie sa fille, on économise la lumière
On change rien, le pognon suinte, les élèves ont le regard dur
Dans sa chambre sur le can*l, il lui lisait Apollinaire pour l'autre silence
Et la musique dans ses yeux, la jolie pupille de guerre de Montfort-sur-Meu
Puis, en septembre, ce fut la fin des vacances
Il était si bien pris dans l'uniforme bleu
Cinquante ans ces jours-ci, le temps ne pa**e que pour ceux qui comptent
Il a sauté sur la Norvège, en mai seul l'amour fou défie le temps
Le poète disait "Que n'ai-je..." et "Souviens-toi que je t'attends"
Aussi longtemps que cette ville dure, dure la vie je t'attends
Le petit chapeau à voilette
Le tailleur noir et les gants blancs
Une broche qui brille, une violette
La pionne du lycée des filles
Elle est folle depuis longtemps, longtemps
Va dans ton mépris du genre humain des gens raisonnables
Fleur noire et bleue, fleur morte-vive qui se projette dans les azurs
"Les rues rétrécissent" Il disait, la dérive des continents est inéluctable
Tu pulvérises des pluies d'astres sur les murs
Le petit chapeau à voilette
Le tailleur noir et les gants blancs
Une broche qui brille, une violette
La pionne du lycée des filles
Elle est folle depuis longtemps, longtemps