La statistique est formelle
Tous les jours, il sort dix-huit cents autos
Dix-huit cents autos nouvelles
Hé, les constructeurs, dites, ce n'est pas trop?
Multipliez ça par trente
C'est cinquante-quatre mille en un mois, Messieurs
Et par an, ça représente
Six cent cinquante mille, et on peut faire mieux
Or il n'y a pas d'usine de piétons
Faut y réfléchir, nous disparaîtrons!
Piétons, mes frères, il faut mourir
Sachons le faire dans un sourire
Est-ce la quarante chevaux
Qui aura notre peau?
Est-ce la Benjamin
Qui nous tuera demain?
C'est un mystère
Pourquoi gémir?
Piétons, mes frères
Il faut mourir
Survivants de cette race
Nous traverserons les grands boulevards
Devant une telle audace
De nous nos enfants seront fiers plus tard
Quelle force de caractère!
Quitter le trottoir, c'est mourir un peu
Vite, deux bonds en arrière
Un autobus pa**e et il nous en veut
Deux pas su' l' côté
Comme dans l' charleston
Il faut éviter
Un camion cinq tonnes
Piétons, mes frères, il faut mourir
Sachons le faire dans un sourire
Est-ce le p'tit cycle-car
Qui nous coupera l' cigare?
Est-ce l'autobus à cul
Qui coupera nos accus?
C'est un mystère
Pourquoi gémir?
Piétons, mes frères
Il faut mourir
À ce danger, une issue
Je vous recommande un truc épatant
Pour bien traverser nos rues
Poussez devant vous une voiture d'enfant
Dedans, mettez une poupée
L'agent, de son poste, vous repérera
Et arrêtera la ruée
Des monstres d'acier le temps qu'il faudra
Et il y a aussi le truc des béquilles
Mais ça la fout mal auprès des belles filles
Piétons, mes frères, il faut mourir
Sachons le faire dans un sourire
La place de l'Opéra
S'ra pavée d' nos tibias
Et la rue Réaumur
S'ra plantée d' nos fémurs
Quèqu' ça peut faire?
C'est l'avenir!
Piétons, mes frères
Il faut mourir