Hyperactif, en ballotage entre New York et Londres, Felix est difficile à saisir. Né en Belgique au milieu des années 1980, le petit Bruxellois s'installe à Paris pour « faire son droit », perfectionner son français et suivre la trajectoire paternelle. Résistant, un peu révolutionnaire, l'histoire du jeune trentenaire est faite de contrepieds et de putsch. Étudiant de nos jours
Étudiant à Assas, il trouve l'ambiance horrible et décide de s'expatrier aux États-Unis. Tel Christophe Colomb, il va de découverte en découverte sur le nouveau continent. Il est rapidement impressionné par les universités américaines, où le niveau est moins élevé mais l'état d'esprit meilleur. Il résume le gap culturel avec concision : « À Paris, tu es un numéro d'étudiant noyé dans ton amphi, alors qu'aux États-Unis tu bois une bière avec ton professeur après le cours ».
Il pa**e le barreau de New York avec succès et décide de regagner « le vieux pays du vieux continent ». Nous sommes en 2008, la crise fait rage et les diplômés font la queue pour un emploi. Quand le recruteur d'un cabinet d'avocat parisien lui balance que « ça ne sert à rien le barreau de New York à Paris », son sang ne fait qu'un tour et il quitte l'entretien avec panache. De ce morceau de bravoure, il garde une grande fierté et surtout le sentiment d'avoir refusé un ordre établi.
Monter sa boîte le jour du mariage de son pote
Le marché du travail n'est pas très friand de ce genre de geste. On préfère les têtes qui ne dépa**ent pas. Devant tant de complexité, Félix va s'installer à Londres. Sa vie londonienne lui plaît mais manque de piment. « J'avais une vie trépidante derrière un ordinateur à pondre des mémos et des PowerPoint », explique-t-il avec une pointe d'ironie. Le jour du mariage de son meilleur ami, le marié fait aussi le vœu de s'a**ocier avec son témoin et de monter leur boîte. Pour le meilleur.
Ensemble, ils entreprennent une réflexion, qu'il explique avec l'expérience de celui qui doit convaincre les investisseurs comme sa famille. Les deux compères ont en ligne de mire les journaux qui servent le prêt-à-penser et se font porte-parole d'une opinion publique qui n'existe pas. « On nous a toujours expliqué que les sondages reposent sur des méthodes scientifiques alors qu'ils font l'objet de nombreuses critiques », clame-t-il. Les deux a**ociés font le constat qu'il n'y a aucune méthode internationale de sondage, mais que les instituts bricolent afin de faire apparaître l'impossible « opinion publique ». L'incontournable printemps arabe
Alors que les révolutions arabes font florès, Felix et son a**ocié font le lien entre opinion et web, pour imaginer « une source alternative d'opinion publique ». Ce sera poutsch. Pourquoi poutsch ? Car ils ont la volonté de renverser un ordre établi qui fausse l'opinion et biaise les perceptions. Optimistes et belliqueux, les deux amis matérialisent leur révolte sur Internet, avec un site fun et divertissant sur le modèle de Twitter où tous les internautes peuvent publier et répondre à des questions. Leur but ultime : créer une mini démocratie aux multiples facettes bâtie sur une liberté d'expression enfin retrouvée. « On va d'Obama à la couleur de cheveux de Lady Gaga, l'objectif étant d'être le plus divertissant possible tout en créant un savoir autour d'un réseau social », précise-t-il.
Poutsch est mort. Vive Voice.
Poutsch se transforme en Voice au mois d'avril 2014. C'est une révolution ! Devenue une application mobile connectée et « embeddable » à volonté, Voice répand ses questions sur le web. De Facebook à Tumblr, l'opinion devient un jeu valorisant pour l'utilisateur et valorisable pour les particuliers comme pour les professionnels. Entre l'application pédagogique, engageante, et l'agrégateur de data, Voice chante le « user centrism » et la responsabilisation de web citoyens.
Felix Winckler sait que cette aventure est autant un pari qu'un pied de nez à ce qui lui était destiné. Détourné du droit chemin du droit, en lutte contre les puissants instituts de sondages, il rêve d'une intégration totale de Voice dans l'espace public numérique. En filigrane, on devine chez lui la volonté de rétablir le lien entre citoyens et politiques.
Voice est « une utopie autour de l'opinion publique » et l'utopie devient ici réalité grâce au web, en célébrant une opinion publique qui pourrait, en définitive, exister.