De mes mains j'ai battu hommes et bêtes La mesure, moi-même, mais jamais en retraite De mes mains j'ai porté des conquêtes Lourdes charges, enfants, victoires et défaites Et, jusqu'à sa mort, ma vielle mère grand Et puis, elles ont paré bien des coups De mon père, du pouvoir, de mon maître et de mon amant M'ont protégé de types complètement soûls Qui rouaient de coups tous ceux qui - face à des fous - Refusaient de piailler l'hymne allemand De mes mains j'ai signé bien des contrats Qui me livraient, corps et âme, au régime J'ai noté ce que j'aime, toutes mes joies A l'encre rose pastel, la nuit, parfois Menaces, plaintes, réserves légitimes Mes mains, à tâtons, ont su explorer Des corps si proches et pourtant tellement loin Et mes mains sont allées débusquer Des baguettes magiques, d'apparence fatiguée Capables de prouesses, pour peu qu'on en prenne soin
Souvent, avec mes mains, j'ai visité Monts et vaux et buissons d'innombrables peaux Parfois, au fil des contrées traversées Mes yeux accrochent une silhouette oubliée Caressent le souvenir d'un dos Mes mains ont eu des gestes mensongers En embra**ant, en saluant, en offrant des tendresses Honteusement, elles se sont retirées De peur ou de désir elles ont souvent tremblé Ont claqué bien des portes, dans leur détresse Et mes mains m'ont empêché de parler Au moment où j'aurais bien dû parler haut et fort Aucun fusil de mes mains n'ai touché N'ai pas commis de vol. Mes mains sont faites pour créer Quelque chose, mais comment lui donner corps Mes mains, souvent, sont très agiles Mais cherchent également le repos d'autres mains Mes mains ne tolèrent pas qu'on leur enfile Une alliance. Généreuses, elles attendent, dociles Que ton doigt tout nu s'enroule autour du mien