J'ai du mal à aimer, à trouver mes mots Et le sommeil sans prendre de comprimés Je suis inanimé, énormément abîmé Probablement mort-né et déjà embaumé Je n'ai le goût de rien, mais je sais le mimer Et mon entrain n'est qu'un écran de fumée J'ai toujours su très bien jouer à l'humain Manier les ban*lités et les lieux communs Mon prénom a été gommé du roman J'ignore tout simplement où, quand et comment Et pourquoi je me suis sur moi-même renfermé Endormi apparemment pour un moment Je ne suis ni exigeant, ni borné Ni sournois, ni attachant, ni acharné Ni content, ni méchant, ni charmant Seulement peu concerné et désincarné Comme à pas grand chose d'être interné Ou l'invité d'honneur de mon propre enterrement Détourné du monde, seul et épargné Par ces petits bonheurs ou ces grands tourments J'ai beau prendre le problème et le retourner J'ai effectué un très gros travail sur moi J'ai occupé la longueur de mes journées Je ne ressens ni l'envie, ni l'émoi
Ni la peur, ni l'ennui, ni l'effroi Ni la lenteur des heures, ni le compteur des mois Pas une seule fois le poids des années Même une bonne déprime m'aurait bien dépanné Mais il n'y a que mon crane noyé dans le néant Et mon corps broyé par un trou béant Alors dites-moi comment être foudroyé Sortir souriant, hilare et puis débraillé Bâtir un foyer, y être choyé Pouvoir bavarder sans bafouiller Etre le bon voisin ou le bon employé Le bon mari, le bon ami à côtoyer Ou ébloui par la nuit et ses néons Le vent, la pluie, le soleil et ses rayons Et j'ai essayé de crier mon tourbillon Mais ma voix n'a pas pu ôter son bâillon J'ai un bataillon d'histoires à vous détailler De petits soirs sans festins ni cotillons De gosses que je ne verrai jamais brailler En se réclamant être de mon sillon Donc si vous me voyez qui que vous soyez Pitié, ne tentez pas de me réveiller D'être bienveillant, de vous apitoyer Car les morts-vivants ne savent pas s'émerveiller.