J'ai remporté tellement de victoires
Et broyé tant de soirs
J'aime rappeler que sans moi
Plus de mémoire
Plus de sel à vos histoires
Ni de sens à vos espoirs
J'ai fait pleurer jusqu'aux plus braves
Gravé les traits de vos visages
Meurtri vos chairs et fabriqué vos sages
J'accompagnais vos mères
Dans l'enfantement
J'ai alors même été ton premier sentiment
Je suis l'Aleph
Premier apprentissage du monde
Que mes ondes lavent
Je suis le Tav
L'aboutissement
Celle à laquelle personne ne ment
Ultime amante à étreindre le moribond
Intimement je sertis vos pa**ions
Je tresse l'essentiel de vos fissures
Et somatise vos plus profondes fêlures
On m'a donné mille noms
Qui déclinent toutes vos peurs:
Je suis la douleur
Je suis la rédemption au Golgotha
Mais je dîne tous les soirs
En compagnie de vos soldats
J'ai visité vos camps
Je m'y suis installé
Et vous me fuyez tant
Que vous me rattrapez
Je suis de toutes vos guerres
Je m'épanouis dans vos misères
Les cœurs salis me lisent au fond de leur verre
J'appelle tous les clochards par leur prénom
Et tu me tutoieras avec les vagabonds
Je retiens l'âme de ceux
Qui perdent un être cher
Et marche à côté de celui
Qui s'éteint d'un cancer
J'ai tant d'armes
Comprends que je n'ai pas besoin d'alliés
Garde des larmes
Vous semblez tant m'aimer
Je suis un vide pour vos vertiges
Je me fais callipyge
Quand dans mon sein
Vient se blottir l'humanité qui geint
Le point commun qui vous fédère
Le dénominateur qui vous ancre à la terre
J'ai inventé cette empathie
Qui vous fait vous aimer
Vous me devez la créativité
Et la noblesse du cœur…
Je suis la douleur
Alors pourquoi tout en moi
N'est qu'insatisfaction?
D'où me viennent la peur et la déréliction
Si les dieux eux-mêmes
Ont souffert mes pa**ions?
Qui m'aime, en dehors des fictions?
Nul n'est témoin de mes silences
Hors de portée de la douceur
Qui justifie vos existences
Je ne suis qu'un catalyseur
Imaginé pour sublimer vos sens
Donc vous qui en avez la chance, vivez