Si vous existez Fait's-moi vot' pus gracieux sourire J'en ai gros su' l' cœur à vous dire J' suis en vein' de sincérité ! (C' que j' les ai dans l' nez Ces muffs qui, sous l' nom d' « concurrence » Ont créé eun' sourc' de souffrances Un genr' légal d'a**a**iner !) Rendez-moi mes vingt sous Car j'ai pa**é ma bell' jeunesse À m' voir pousser des dents d' sagesse Quand j'avais rien à m' fout' dessous J'ai fait tous les méquiers d'esclave C'pendant j'ai jamais pu gagner Ma boustifaille et mon loyer À présent, m' v'là, eune épave J'ai l' poil tern' des bêt's mal nourries La dèch' m'a fait la gueul' flétrie Ma jeuness' reste étiolée… J' pourrai jamais m'en consoler Mêm' si qu'un jour j' tournais au riche Par un effet de vot' bonté Ce jour-là, j' f'rai mett' eun' affiche : « ON CHERCHE À VENDRE UN CŒUR GÂTÉ. » Mes poteaux ? Combien m'ont trahi ! Pourtant m'en rest' quéqu's-uns d' fidèles Mais pour la mouïse y m' gagn'nt la belle C'est comme un syndicat d' faillis Des Amours mignons m'ont pâli Et la Vie les a ma**acrés Mes mains les ont ensevelis Mes yeux les ont beaucoup pleurés J' suis près d' périr Et v'là ma peine alle est ben vraie Quand un malade il a eun' plaie Faut-y rien faire ou la guérir ? Et j' me vois comme à l'ambulance Du champ d' bataill' de mes douleurs Faut-y toujours téter ses pleurs Et bouffer l' pain d' l'obéissance ? L' Printemps m' soûle à son tour(Mon sang ça n'est pus d' l'eau d' lessive) J'ai des bécots plein les gencives Et j'ai les rognons pleins d'amour ! J' l' sais qu' c'est la fête Et que l' temps d'aimer il est v'nu Qu'y f'rait mêm' bon d'aller tout nu Avec au bras eun' gigolette Pour fair' la culbut' dans les foins Sans culbutants et sans témoins ! Mais outr' que j' suis trop mal frusqué J'ai pas d' pèze pour en embarquer Aucune a vourait d' ma tristesse : Vous avez d' l'instruction Porquoi qu'y en a qu' ont des maîtresses Malgré qu'y n'aient pas d' position ? J' suis l' fils des vill's, non d' mon village Si j'ai des envies, des besoins C'est la faute aux grands magasins À leurs ménifiqu's étalages On entend geindr' le boulanger Comm' si qu'y s'rait près d' son trépas Et ses soupirs me font songer Qu'y fait du pain où j' mordrai pas (Quoi y faut dir' ? Quoi y faut faire ? J'ai mêm' pus la force de pleurer J' sais pas porquoi j' suis su' la Terre Et j' sais pas porquoi j' m'en irai !)
(Quoi y faut dir' ? Quoi y faut faire ? J'ai mêm' pus la force de pleurer J' sais pas porquoi j' suis su' la Terre Et j' sais pas porquoi j' m'en irai !) Sans vous commander V'là qu' ça m' reprend, gn'a pas d'offense J' vourais comm' dans ma p'tite enfance Coller mon cib su' deux nénés ! Sans qu' ça vous froisse J' vous tends mon cœur, comm' la Pucelle* Et pis mes bras chargés d'angoisse Lourds du malheur universel ! Car si j'étais seul à la dure Je n' vous pos'rais pas tant d' porquois Mais l' pus affreux de l'aventure C'est qu'y sont des meillons comm' moi ! L'Homme est pas fait pour la misère Et contrarier ses Beaux Désirs Ni pour qu' ses frangins l' forc'nt à faire Des cravails noirs et sans plaisir Car y s'enferm' dans des usines Des quarante et des cinquante ans Dans des bureaux, des officines Alors qu' les cieux sont éclatants Si vous existez Donnez-nous la moell' d'être libres Et d' remett' tout en équilibre Suivant la grâce et la bonté ! Donnez-nous la liberté… ! Donnez-nous la liberté… ! Donnez-nous la liberté… ! Et quant à moi pour le présent J' vourais que mes faims soy'nt a**ouvies J' veux pus marner, j' veux viv' ma vie Et tout d' suite, pas dans dix ans ! J' suis su' la Terr', c'est pour y vivre J'ai des poumons pour respirer Des yeux pour voir, non pour pleurer Un cerveau pour lir' tous les livres Un estomac pour l' satisfaire Un cœur pour aimer, non haïr Des mains pour cueillir le plaisir Et non turbiner pour mes frères ! Soupé des faiseurs de systèmes Ces économiss's « distingués » Des f'seurs de lois qui batt'nt la flemme (Tout' loi étrangle eun' liberté !) Soupé des Rois, soupé des Maîtres Des Parlements, des Pap's, des Prêtres (Et comm' j'ai pas d'aut' bien qu' ma peau Il est tout choisi mon drapeau !) Soupé des vill's, des royaumes Où la Misèr' fait ses monômes Soupé de c' qu' est civilisé Car c'est l' malheur organisé ! Nos pèr's ont a**ez cravaillé Et bien a**ez égorgillé ! L'Homm' de not' temps faut qu'y se r'pose Et que l'Existenc' lui tourne en rose Si vous existez Donnez-nous la forc' d'être libres Et que mes souhaits s'accomplissent Si vous existez… Car au Printemps, saison qu' vous faites Alorss que la Vie est en fête Y s'rait p'-têt' ben bon d'être eun' bête Ou riche et surtout bien aimé Et que mes souhaits s'accomplissent … (Ça s'rait ben bon, si c' n'est justice !)