Troisième et dernière partie de l'entretien avec Tunisiano, originaire de Menzelbouzelfa, entre Tunis et Hammamet, qui sort en mars 2014 son second album solo Marqué À Vie. Bachir n'hésite pas à envisager la fin de Sniper, dont l'album paru en 2011 pourrait être le dernier. Et il dit sans langue de bois ce qu'il pense de la nouvelle génération au ton plus posé et moins militant que la précédente. Sniper, ça en est où ? Y aura-t-il un autre album après À Toute Epreuve ? Même si ça n'est pas fini, on est dans une situation complexe. Je suis sur mon album solo, lui va sortir le sien. Tout va trop vite maintenant. Le dernier Sniper est sorti en 2011, on se pose la question. Si c'est pour faire un album coup d'épée dans l'eau, ça ne me botte pas vraiment. Je préfère garder cette entité qui est belle à mes yeux. Je trouve qu'on a fait des grandes choses, je préfère en rester là plutôt que de faire l'album de trop. Il y a donc forcément une possibilité que l'album précédent soit le dernier. Blacko, tu as des nouvelles ? Oui, je le vois au quartier, on est originaires de Deuil-la-Barre. On se croise, on se parle, bonjour ça va, etc. Il est toujours dans la musique, il prépare un album. Lui aussi a eu des gros démêlés avec Desh Musique. À un moment il était à fond dans le rastafarisme, ce qui lui a fait changer de route par rapport à nous. C'était très problématique, ne serait-ce que pour nous au sein du groupe. Il était dans ses codes à lui, et nous on n'avait plus rien à voir avec lui. Il a ca**é un disque d'or, il y a eu pas mal de péripéties. Chacun avait son bus pour voyager, il ne supportait pas qu'on mange de la viande devant lui, il disait que ça sentait le cadavre. Le rap il ne supportait plus non plus, c'était Babylone. Après, pas d'un commun accord parce que c'était sa décision à lui, il s'est écarté du groupe. On a respecté sa démarche. À un moment donné, ça ne sert à rien de faire semblant et de se forcer, même s'il y a des sous derrière. Autant pa**er à autre chose. Il était dans sa gamberge trop poussée, très extrême. Chacun a fait sa route, c'est comme ça.
Selon toi, la situation du rap à la télé a-t-elle évolué ? Pour parler de rap à la télé, on a Stromae et Sexion D'Assaut, bon. OK. Je suis d'accord, c'est bon pour le rap, mais il n'y a pas de dénonciation dans tout ça. C'est de la musique, ça s'écoute, ça glisse tout seul. Peut-être est-ce pour ça que les médias sont plus open. Dès qu'il y a dénonciation, virulence, ça n'est plus pareil. Oui ça a changé, des grands rappeurs font Le Grand Journal. Mais des rappeurs au JT, je n'en ai pas encore vu. La totalité des gens qui contrôlaient les réseaux étaient dans le rock. Le rap, ils n'y comprenaient pas grand-chose, ils en parlaient comme Laurent Gerra. Pour eux, c'est des an*lphabètes qui n'ont pas grand-chose à raconter. Les générations vieillissantes pa**ent le relais à d'autres, qui écoutent plus de rap. Tout change, on grandit avec cette musique. Les gens à Can*l + s'ouvrent, d'autres chaines font venir des rappeurs, cool. À quand une deuxième grande radio qui va se démocratiser autour de ça. « Les Oreilles Qui Sifflent », c'est un vrai texte polémique. Ça met le doigt sur les faits d'actualité, l'Islam en France, la liberté d'expression, des sujets ambigus dont on ne parle pas ouvertement. Je dis ce que je pense, et c'est comme ça. Certains risquent de mal l'interpréter. C'est deux grands couplets écrits en deux fois. J'ai été méthodique. Ça traite vraiment de toute l'actualité, de ce que je ressens au fond de moi, de cette frustration que je ne comprends pas : Pourquoi c'est toujours sur les mêmes qu'on tape ? Tu oses les refrains chantés sur « J'Voulais Un Monde » et « Si On Se Disait Tout ». J'ai joué le jeu, j'ai vraiment chanté. Les musiques m'avaient inspiré quelque chose de mélodieux. J'ai toujours aimé chanter, c'est un bon exercice, je me suis amusé à le faire. Et je maitrise bien le truc, je me suis dit que je devais le faire. Vu que j'écris pour d'autres artistes comme Amel Bent et Tal, j'ai toujours eu la note qui va.