Suite de l'entretien avec le rappeur de Sniper. Où l'on parle plus précisément des chansons de l'album et de ses producteurs, dont Stan-E, qui a travaillé avec Maitre Gims et la Sexion D'Assaut. Un des titres forts de l'album, qui doit bientôt être clippé, c'est « Jeune De Tess ». Pour moi, tout ce qui est extrême est dangereux. Dans cette chanson, je fais le parallèle entre un jeune de banlieue black ou beur, un mec de quartier a**ez barré, qui ne connaît que l'exclusion, qui part dans une parano, et l'extrême droite. J'emploie tous les codes propres à la banlieue pour au final dire que la banlieue n'est pas qu'à Gennevilliers ou à Montfermeil mais aussi à Neuilly-sur-Seine. « Carré » est un morceau de soirée, beaucoup de titres sur l'album sont revendicatifs. Crains-tu de ne pas être vu comme cohérent ? Si les gens écoutent bien l'album, ils verront qu'il a une certaine couleur, un certain message. Après je peux comprendre, on a tous nos contradictions. Mon album, c'est des tranches de vie que j'avais envie de partager. Je n'avais pas envie de me poser toutes ces questions, de penser au qu'en dira-t-on, aux jugements. Je l'ai trop fait auparavant, et au final je n'étais pas forcément heureux artistiquement. Là je me dis juste que je le pense sur le moment, alors pourquoi m'interdire de le faire sous prétexte que telle ou telle personne peut l'interpréter de telle manière ? L'album a une consistance, il y a quelques grains de folie comme « Carré »… C'est aussi par rapport à ce que j'écoute, pas mal de rap US et de sons cainris. J'aime bien reproduire ça, rapper sur des prods que j'aime écouter, rentrer dans le délire. Et puis c'est vrai que j'aime faire la fête, sortir, m'amuser. Je suis un mec, quoi ! Et au-delà de ça, j'aime débattre et prendre positions sur des choses qui me révoltent. Tu es en duo avec Lino sur « Val 2 Zouave ». C'est stimulant ? C'est le meilleur exercice pour un MC. Là tu es vraiment dans la compétition, il se pa**e quelque chose. Tu n'es plus rappeur, tu es compétiteur. Et forcément le morceau a de l'impact. On est revenus dessus plusieurs fois, on a changé le refrain, c'était un bon exercice. Tu y sors quelques punchlines mémorables comme « J'traite pas ta mère de pute parce qu'il n'y a pas de sot métier » et « Rare comme un com positif sur Booska-P ». C'est a**ez significatif de ce qui se pa**e quand tu vas sur les sites de rap ou les blogs. C'est rare qu'il y ait des vraies critiques positives et judicieuses. C'est souvent « Ça pue la merde, t'es vieux, pa**e à autre chose, on t'écoute pas, ça ressemble à tel ou tel »… Toujours les mêmes débats. Tu as la nostalgie d'une autre époque du rap français ? Je suis nostalgique du texte et de la rime. Les sonorités d'aujourd'hui me plaisent bien, même si je ne suis pas de cette époque là et que j'ai du mal à rapper sur du 60, 70 BPMs. Alors je m'adapte, c'est un bon exercice. Sur ton album, on trouve des sons signés Stan-E, qui a travaillé avec Sexion D'Assaut et Maître Gims. Il a une vraie touche artistique. C'était une très belle rencontre, c'est un plus de bosser avec des producteurs comme lui. Il y en a que tu ne vois pas, ils t'envoient les sons par mail les pistes séparées et tu fais ta sauce. Tu les verras peut-être à la sortie de l'album ou à ton Planète Rap. Bon, je caricature mais ça nous est déjà arrivé, des gars qui bossaient en Belgique, on validait et on se parlait par mail, pas de relation humaine. C'est dommage mais c'est logique, ils habitent loin.
La plupart des morceaux sont signés par nouveau producteur, Cory. Il était signé à l'époque dans ma structure en 2008, en coédition avec Desh Musique. Sincèrement, c'est pour moi un des meilleurs en France, si ce n'est le meilleur. Le gars est bourré de talent. Je lui donne juste des a capella et je le laisse faire, des fois c'est prodigieux, je ne comprends pas ce qui se pa**e. Il offre un vrai délire musical et il n'y a qu'à lui que j'ose demander ce genre de chose. Il est DJ à la base, autodidacte et vraiment doué. Ça va être un grand nom d'ici peu de temps. Tu es indépendant par choix ou par obligation ? Finalement, on n'est jamais si bien servi que par soi-même. J'ai vécu une expérience compliquée avec des gens qui n'ont pas la même vision, ça ne s'est pas bien pa**é. Il vaut mieux être au four et au moulin, maitre de son business. J'ai mon équipe mais je suis le décisionnaire, parce que c'est l'artiste qui défend les titres sur scène et devant la presse et s'ils ne te ressemblent pas, c'est ridicule. Une major comme Warner ça n'est pas négligeable, tu te rends compte de l'impact que ça a, même au niveau des télés et de la presse. Mais autant faire les deux : avec un deal de licence je reste propriétaire de mes bandes et le maitre de mon business, on bosse d'un commun accord et tout le monde est content. Je ne me vois pas dans un deal à 360° où ils vont me manager, récupérer mes éditions et mon merchandising sans que j'ai mon mot à dire. Rien de pire pour un rappeur ou un artiste. Tu n'as pas voulu faire un titre sur la situation en Tunisie ? J'aurais pu mais on a sorti « Arabia » sur le dernier album de Sniper. Je ne voulais pas refaire un titre sur le printemps arabe, donc j'allais parler de quoi ? De la situation qui est en standby depuis trois, quatre ans ? Je ne voyais pas vraiment d'inspiration, rien de consistant à raconter autour de ça. Et si demain je dois refaire un morceau sur la Tunisie, j'ai envie que ça soit positif. J'ai donné le petit côté revendicatif avec la situation catastrophique, maintenant ça serait un morceau soleil. Quelle est la différence entre Tunisiano en solo et Tunisiano avec Aketo pour Sniper ? Les thématiques, les sonorités des instrus, le travail qui est décuplé. Ça pa**e par ces trois étapes. Je rappe plus donc j'écris plus, et les thématiques sont propres à mes goûts. Il y a beaucoup de concessions dans un groupe. Quand on est en équipe, ça n'est jamais comme on voudrait que ça se pa**e. On se propose des thèmes et après on est en démocratie, si on se met d'accord sur telle thématique et telle prod, on y va. Ça amène parfois à des très longues discussions et débats qui n'aboutissent pas, mais on a essayé. On est déçus mais c'est comme ça, quand une thématique ne me parle pas je n'y vais pas, pareil pour Aketo. Même si on kiffe les mêmes sons, c'est parfois dur de se mettre d'accord sur une instru. Moi j'aime les prods mélodieuses et très acoustiques, lui d'autres types de productions, à chaque fois on fait le grand écart. Suite et fin dans le prochain post. Gardez l'écoute.