Nous étions trois amis Frères de vie, compagnons Comment dire... unis Par dix mille saisons On buvait nos années Comme un verre de bon vin Les ruisseaux ont coulé Et me v'là tout chagrin Le premier aimait le vent La neige, le rocher S'en allait seul souvent Tutoyait le glacier Je le revois debout Tête dans le ciel bleu Un sourire très doux F'sait pétiller ses yeux Dans le moindre sous-bois Dans l'idée d'une fleur Dénichait du bonheur Et des rires en éclats Rebelle à sa façon Sans drapeau, sans fracas C'était un homme bon Tout est dit quand je dis ça Les filles qu'on rêvait C'était pas de la jet-set De ces poupées glacées Qu'on regarde et qu'on jette Non, c'était des diamants Aussi purs qu'une eau claire De ces fleurs de plein champ Vivaces et sans manières Quand le deuxième en bordée Se mettait à chanter Parole, ça f'sait trembler Jusqu'au bout d' la vallée C'était l'Internationale Ou le Temps des Cerises
Ouais, c'est de ce côté-là Qu'il avait son église C'était pour ceux d'en bas Qu'il voulait du soleil Crachait sur les bourgeois Jamais sur une bouteille Tout ce qu'il a sifflé, Que son foie lui pardonne, Ça ferait déborder Toutes les Dranses et le Rhône Quand le brouillard des jours Se pointait à notre table Il pesait pas plus lourd Que quatre grains de sable Si on s' fâchait, c'tait l'hiver Entre nous, les grands froids La banquise, pire qu' la guerre C'est arrivé deux fois J'ai gardé une photo On est là, tous les trois Sur fond d'arbres et d'oiseaux Tranquilles comme des rois On déconne comme des drôles On s' tient par les épaules Le bonheur était là Et dire qu'on l' savait pas On était trois frangins Et me v'là le dernier S'ils me voyaient orphelin Ça les ferait rigoler Avant qu'on me mette en terre Puisque c'est notre sort Pour eux, je lève mon verre Et je dis merde à la mort