Je rêvais d'hommes frères Et j'avais quoi? Vingt ans? La démarche légère Et le cœur palpitant J'avais le regard clair D'un qui s'en va confiant C'est sûr que l'allais faire Bien mieux que ceux d'avant La famine ou la guerre C'est chose qui dépend De décisions premières Et du choix des vivants La raison, la lumière Guidaient mes pas d'enfant Qui allait mettre à terre Tous les trop vieux tourments Maintenant que l'hiver Et ses nuages blancs Et ses arbres austères Se pointent à mon tournant Maintenant qu'il s'avère Que j'ai fait largement A bord de la galère La moitié de mon temps Sans faire d'inventaire Sans jouer le bilan Je regarde en arrière Quelquefois, rarement Que d'amis, de compères Que de rires et de chants Que d'envie d'autres mers Que de soleils brûlants Comme jadis et naguère J'habite obstinément Un lieu où le vulgaire Se mêle aux bonnes gens Un pays de contraire Frileux et désolant Fermé dans ses frontières
Et qui est mien pourtant Lorsque me désespère Son brunissant présent Je prends en solitaire Le sentier montant Là-haut, face au mystère Venant du firmament J'écoute l'univers Et je salue le vent Faudrait une manière De remerciement Pour l'amour qui éclaire Intérieurement La maison tout entière Depuis bien des printemps Pour tes yeux bruns ou verts Ça dépend du moment Pour ta chanson d'hier Dans le soleil levant Pour l'heure où tes paupières Se ferment doucement Pour la vie que l'on gère Comme on peut, bien souvent Pour la vie qu'on espère Pour la vie simplement On apporte sa pierre Dessus le bâtiment La pauvre primevère Naît à chaque printemps Etais-je une poussière Ou bien un diamant? Qui fixe le critère? Qui rend le jugement? J'avais l'âme sincère Et mon petit talent Est-ce qu'on exagère A vouloir le beau temps? Suivais-je une chimère? Suis-je trop innocent? Je rêvais d'hommes frères J'en rêve follement