Moi, mes amours d'antan c'était de la grisette: Margot, la blanche caille, et Fanchon, la cousette... Pas la moindre noblesse, excusez-moi du peu C'étaient, me direz-vous, des grâces roturières Des nymphes de ruisseau, des Vénus de barrière... Mon prince, on a les dames du temps jadis qu'on peut... Car le coeur à vingt ans se pose ou l'oeil se pose Le premier cotillon venu vous en impose La plus humble bergère est un morceau de roi Ça manquait de marquise, on connut la soubrette Faute de fleur de lys on eut la pâquerette Au printemps Cupidon fait flèche de tous bois... On rencontrait la belle aux Puces, le dimanche: "Je te plais, tu me plais..." et c'était dans la manche Et les grands sentiments n'étaient pas de rigueur "Je te plais, tu me plais... Viens donc, beau militaire..." Dans un train de banlieue on partait pour Cythère On n'était pas tenu même d'apporter son coeur...
Mimi, de prime abord, payait guère de mine Chez son fourreur sans doute on ignorait l'hermine Son habit sortait point de l'atelier d'un dieu... Mais quand, par-dessus le moulin de la Galette Elle jetait pour vous sa parure simplette C'est Psyché tout entiere qui vous sautait aux yeux Au second rendez-vous y'avait parfois personne Elle avait fait faux bond, la petite amazone Mais l'on ne courait pas se pendre pour autant... La marguerite commencée avec Suzette On finissait de l'effeuiller avec Lisette Et l'amour y trouvait quand-même son content C'étaient, me direz-vous, des grâces roturières Des nymphes de ruisseau, des Vénus de barrière Mais c'étaient mes amours, excusez-moi du peu Des Manon, des Mimi, des Suzon, des Musette Margot, la blanche caille, et Fanchon, la cousette Mon prince, on a les dames du temps jadis qu'on peut...