Le soir où tu m'as appelé Ce n'était pas pour mes grands yeux bleus Ce n'était pas pour mes secrets Ni pour moi, j'n'étais pas si malheureux... Tu n'avais pas tant besoin d'aide Ton dos n'était pas tant fatigué Que pencher tes deux mains dans la merde Ne t'aurait pas trop abîmée Moi j'ai accouru bien vite Maintenant je sais, j'aurais dû me méfier Car tes deux lettres, petite, Sont nées de la médiocrité Puis j'ai construit tes bâtiments À ce jeu-là c'est vrai, Mes grands parents M'avaient légué précisément Ce qu'il y avait de plus fort en ce talent Mais il y a eu moins drôle Quand il fallu combattre tes voisins Tu m'as donné le mauvais rôle Là encore j'ai sali mes mains Et j'ai transpiré bien vite Maintenant je sais, j'aurais dû pleurer Sur tes deux lettres petites Ressurgies d'un sombre pa**é Et qu'as-tu trouvé à mes os Qu'as tu pensé pour les croire aussi solides Quand tu m'as tout mis sur le dos Sitôt que sont venues tes premières rides J'ai senti là comme un malaise À qui la faute, tu as accusé la mienne Tu m'as mis entre parenthèses Quand j'ai voulu prouver les tiennes Tu croyais me mourir vite Maintenant je sais, tu voulus me crever Pendant tes deux lettres petites Au nez de ta triste fierté Si hélas mon père en est mort D'avoir défendu ta liberté
Mon frère presque du même sort S'est épuisé sur tes chantiers Il n'y a pas de mauvais sort Juste un dupeur, juste un dupé Qui des deux a le plus tord? Je te laisse le soin de juger Mais ne réfléchis pas trop vite Maintenant je sais, comme lorsque tu as fait Tes deux lettres, petite, Nées de la haine et du danger Pour ma part il n'y aura pas vengeance Je n'en ai ni l'envie ni le courage Je m'en vais retrouver l'absence De mon histoire il manque bien des pages D'ailleurs à bien y réfléchir Mon peuple lui-même aurait-il accepté D'avouer qu'il avait dû mentir D'avouer qu'il avait profité De ce qu'il y a de pire ensuite Maintenant je sais, lui aussi aurait fait Ces deux lettres, petite hypocrite Nées de la fatalité Permets-moi de juger, malgré mon âge Cette chanson courte mais suffisante Que je te laisse en maigre héritage En cadeau des heures accueillantes N'oublie jamais qu'il y eut en ton pays Un peuple sage que l'on a trahi Dis à tes enfants qui je suis Si le besoin s'en prenait à leur vie S'ils devaient me rendre visite Maintenant je sais, de force ou de plein gré Ils découvriraient, petite, Ces deux lettres, bien embêtés S'ils devaient me rendre visite Ils seraient à leur tour immigrés Et ces deux lettres pourtant si petites Le leur en feront bien baver.