J'ai bu trente et un cafés-crème En t'attendant J'ai peine à dire que je t'aime Je t'aime pourtant Les gens du café me regardent En rigolant Ils chantent, ils boivent, ils bavardent J'ai froid dedans J'ai froid dedans Pour vaincre l'éphémère Pour vaincre le néant M'allonger sur la Terre Et lui faire un enfant Un enfant sans mémoire Un qui n'aurait pas peur Qui prendrait la nuit noire Pour un bouquet de fleurs Pour un bouquet de fleurs Un enfant menu, sans histoire d'héritage Qui ne serait pas moi qui suis déjà venu Qui, me prenant la main pour mon dernier naufrage Me crierait "Vis encore! Je ne t'ai pas connu" Qui n'accepterait pas la volonté des armes Ni des dieux, ni des hommes, prêchant l'humanité Et pour mon dernier cri découvrirait les larmes Désespéré de voir ma non-éternité Et puis, qui s'en irait sans regret pour nos fêtes Pour devenir enfin enfant de l'univers Se referait étoile, se referait planète
Et nous contemplerait hors des espaces verts Et puis de temps en temps penserait à sa mère Et puis de temps en temps baissant les yeux sur nous Dirait à d'autres mondes "La plus bleue, c'est la Terre la Terre aux fleurs coupées, la planète des fous" Et puis qui reviendrait pour sa dernière escale Et là, deviendrait femme, le ventre mis à nu Balayerait de la main temples et cathédrales Remettant à genoux les dieux non-advenus Et dirait "Je reviens pour donner à la Terre Un enfant qui veut vivre, qui veut vivre debout Le droit divin est mort, il est comme ses frères Celui-ci aimera la planète des fous" Celui-ci aimera la planète des fous J'ai bu trente et un cafés-crème En t'attendant J'ai peine à dire que je t'aime Je t'aime pourtant Les gens du café me regardent En rigolant Ils chantent, ils boivent, ils bavardent J'ai froid dedans J'ai froid dedans