Avant d'être couronnée reine, j'ai démarré graine Puis j'ai poussé, sereine, dans un jardin élu Eden Fruit de la tentation, du pommier et du péché en même temps Eve m'a chopée, m'a croquée Je suis resté en travers de la gorge d'Adam Bref, une histoire alambiquée Je suis née pomme, j'ai grandi pomme et je mourrai pomme Et quel honneur d'avoir a**isté à la chute de l'homme ! Depuis, je pousse toujours dans des milliers de pommiers On m'arrache à mon arbre ou on attend que je sois tombée Je suis rama**ée, puis ama**ée dans un panier en jonc de mer Et pour info, je suis pas plus haute que trois d'mes congénères Pourtant, c'est fou, avec mes sœurs, tout le commerce qu'on génère Depuis le début je me suis laissée faire Je me suis retrouvée naturellement dans les rayons de supermarché En compétition acharnée avec la poire, la banane, les bonbons, les sorbets Victime d'un dilemme, injectée d'OGM, j'ai même vécu en pot Pas de bol... Andros m'a mélangée avec les abricots On m'a touchée, effleurée, caressée et sentie Jusqu'au beau jour où j'ai été piochée par une mamie J'étais pourtant un peu paumée, mal fichue Les pommettes effacées, mais toujours bien goûtue Sur la table, en haut de la corbeille, je trône Je surveille, comme une reine dans son royaume En somme, j'attends qu'on me consomme En attendant, on m'a prêté toutes sortes de sobriquets On me surnomme api, canada, capendu, rambour Golden, reine des reinettes, jusqu'au jour Où malgré moi mamie m'a mise à côté d'son magret Traversant le temps, je fais l'ingrédient de plusieurs recettes On m'a vue tatin, crumble, compote et même sucette On m'a vue parmentière, quand j'étais de terre On m'a croquée, épluchée et broyée, bon dieu ce que j'ai souffert !
Je suis à cidre, de table ou à couteau Je suis acide, souvent juteuse grâce à mon eau Parfois je me rends pour faire du jus, du sirop ou de l'alcool On me nomme alors calvados, ou Champomy, pour que la fête soit plus folle Mais c'est pas tout, j'ai aussi des vertus thérapeutiques On m'a donc compressée, rentrée dans des tubes en plastique Appelez-moi baume ou pommade, si quelqu'un vous a**omme Et l'on me sonne pour guérir les bobos de vos mômes On me déguste après une partie de jeu de paume Pour les peintres je pose, symbole d'une nature morte Je suis pas plus grosse qu'une balle de baseball Mais mes arômes en imposent et je suis dure et forte Même dans les mains d'une pom-pom Mon histoire est bien riche, à vrai dire savoureuse Et une fois n'est pas coutume, je vais faire mon orgueilleuse J'ai côtoyé Guillaume Tell et le crâne frêle de son garçon J'ai embra**é Blanche-Neige et joué le rôle du vilain poison J'ai soutenu Chirac, et fait gagné ces putains d'élections J'ai connu toutes les saisons Et puis le couronnement suprême, le titre jubilatoire : Devenir l'emblème d'une firme à 150 milliards Mais je me transforme, peu à peu, en trognon de ma pomme Subissant cette an*logie agaçante avec le mot "mignon" Etant petit, à cette allusion, personne n'y échappe Mais si j'étais raisin, je vous dirais "lâchez-moi la grappe" Je me fais ronger, lentement, de tous les côtés Il y a un pépin, je me sens mal, je crois que je vais tomber Dans les pommes ! Enlevez-moi ce ver même si la cause est vaine Mais quand même, faut pas que je me plante en faisant tomber la graine Mes descendants m'en voudraient, car Etre une pomme, tôt ou tard Ça en vaut la peine Et qui sait ? J'aurai peut-être droit à ma rengaine !