Je n'aurai pas le temps de lire tous les poèmes du monde
Et j'ignorerai peut-être longtemps les vers du poète Papou Tumu Tumac
La voix du poète an*lphabète, l'oral Siméon de Carinthie
Et la voix du poète aveugle d'Afghanistan Oumahum El Kabash
J'ignorerai sans doute jusqu'à ton nom, poète du désert murmurant tout seul, dans ta tente berbère, quelque credo intérieur en pensant à la femme que tu aimes
Je ne connaîtrai sans doute jamais la poétesse nègre d'Haïti qui chante à son nouveau-né la joie de l'enfanter
Je ne connaîtrai pas Dulciane, poétesse du fond d'Éthiopie, mirant son visage de princesse Tutsi dans le miroir de quelque lac de haute montagne
Et la prêtresse noire des hauteurs du Rwanda, égrenant devant le feu la vieille saga et la chanson que chantaient ceux qui n'avaient jamais été à Bujumbura
Ni la voix de cette femme enterrée vivante au Burundi
Tant de voix perdues, comme ta voix enveloppée dans la fixité de la mort
Je n'aurai pas le temps de lire tous les poèmes du monde