J'ai tellement aimé ces vieilles routes d'autrefois, si coquettes, si belles Une fille en photo sur le compteur, la côte à la sortie du bourg où je m'envolais avec elle Le restaurant après le carrefour là-bas, tu le vois pas mais tu verras! Je connaissais la patronne, la belle blonde, à L'Homme-d'armes, on mangera La vieille dame de Souillac nous accueillait après l'heure comme ses fils "Il est bien tard mais j'ai encore un peu de frichti, installez-vous tous les six!" J'ai fait un million de kilomètres, tu sais, c'est comme changer de planète Les astronautes me font bien marrer car eux ils ont pas eu froid aux pieds dans la camionnette! Siflésuila? Paxaafère! Accélère! Siflésuila? Accélère! J'ai connu l'ancienne route de Lille et le virage de Bapaume, les pavés À moins que ce ne soit Péronne, on sait plus, c'est si loin et ma mémoire est délavée Je racontais ma vie à mes routes bien soigneusement comme on enterre un secret Chacune m'était comme un vers d'une chanson qu'on chante et qu'on quitte à regret Aujourd'hui elles sont devenues sans charme et c'est tout l'avenir qui est grave C'est bien normal qu'il y ait du verglas dans l'amour, c'est pas d'hier qu'on en bave Moi qui déteste la solitude, je fus toujours plus solitaire qu'un pendu Moi qui craignais les paysages, je m'y suis cent mille fois perdu Siflésuila? Paxaafère! Accélère! Siflésuila? Accélère! Faudra changer le trompettiste, j'ai un bruit. Mais bien sûr c'est l'âge sans doute J'ai jamais revu cette fille de l'hôtel. On voit pas pourquoi d'ailleurs. Tiens j'ai mon moral qui broute Tu te souviens? On en criait la première fois qu'on a découvert les bordels de Captieux Rien que le nom! Ça s'écroulait dans la broussaille, les enseignes vertes et rouges et bleues! Mais j'ai pas envie d'y revenir par les trois cents ronds-points ni les souvenirs Ni de ressauter les six cents dos d'ânes. Les limitations me tuent, oui mais où fuir?
Le pays est de plus en plus laid mais s'il est laid c'est qu'il est comme tous ces fêlés voulaient Je suis de plus en plus ailleurs moi. Un vieux fou, je suis comme elle m'a laissé Siflésuila? Paxaafère! Accélère! Siflésuila? Accélère Où chercheras-tu l'espérance maintenant? N'as-tu donc toujours pas compris Dans quel bras mort du fleuve, quel chemin défoncé, quel cul-de-sac tu es pris? J'ai rencontré tant de gens qui avaient raison, des cultivés, des matheux, des prospères C'est quoi l'état des routes? Bah, même l'errance aura sa fin, mais les culs-de-sac prolifèrent Depuis longtemps ma balle dans la nuque annoncée par ces grands hommes, ma folie de toi, ma raison Ma chanson poétique ridicule aussi. Allez, je trimbale tout derrière dans les cartons Les papiers, les panneaux, les dossiers à remplir. Truit! Monsieur, vous êtes trop fatigué, coupez le moteur Mon garçon découvre-toi, j'étais vieux avant que tu vinsses au monde, tu me fais pas peur Siflésuila? Paxaafère! Accélère! Siflésuila? Accélère! Sans compter, j'en parle jamais, celle qui m'a fraca**é la calandre Et qui a tourné les talons en ricanant. Notre amitié pourtant je la croyais si tendre L'autre qui encore aujourd'hui me dégonfle les pneus la nuit Faut pas s'étonner si je m'enfonce dans l'âge comme dans un puits Repos, mon grand. Remets ton chapeau, je vous laisse, ça suffit tous ces propos crépusculaires C'est pas moi qui ai inventé le crépuscule, ni les propos, ni l'état des routes en hiver De toute façon ce pays n'a plus son charme d'autrefois, les femmes sont des acharnées Dans les ronds-points derrière moi tandis que je cherche ma route, à m'a**iéger Siflésuila? Paxaafère! Accélère! Siflésuila? Accélère! Siflésuila? Accèlère! Paxaafère! Siflésuila? Accélère!