J'ai voyagé dans la France, tu te serais moquée de moi
Tout cet hiver j'ai eu très froid
C'est sûr, tu te serais moquée! Je ne sais pourquoi j'ai eu si froid
Et beaucoup plus qu'on peut dire
Et je pensais, car je reste trop attaché à mon pa**é
Qu'il faudrait pouvoir te l'écrire
Tu vois, je n'ai pas fait mon deuil de toi
Mais on ne fait jamais le deuil de rien!
J'ai voyagé, tu me connais, par les petites routes
Les plus perdues, les hésitantes, les bossues
Celles qui rampent pour lécher les mains des gens
Comme des bêtes domestiques, oui
Je le comprends de mieux en mieux ce vieux pays qui doute
J'aime les traits de son visage intelligent
En vieillissant, j'aime de plus en plus ce peuple
Mais voilà, j'aime de moins en moins les hommes
Et j'ai eu froid tout cet hiver. C'est idiot
Comme toujours ce devait être le mal de toi
Ce garçon est trop triste, non?
Quand on le quitte, il se débat et il prétend qu'on l'abandonne!
Tu fus violente sans raison. Toi ou moi, c'était toi ou moi!
Je vieillis mal, et sentencieux, et théâtral
Je vieillis mal, et colérique, et délétère
Je ne sais plus comment m'y prendre non plus
Pour sortir de moi, aller vers eux, parler aux gens
Je me sens l'âme parcourue de galeries
De mines effondrées, bouffée de fondrières
C'est le dieu des deuils qui ricane, probablement!
Le pays est austère et beau comme ces reposoirs, tu sais
Ces ostensoirs de l'autre siècle
Les gens aussi y sont austères
Ce n'est pas dans leur tradition de sauter au cou des gens!
Certains jours, à l'automne surtout, vers cinq heures
Les ors, les orgues font chanter le mystère
Je vieillis seul et je deviens méchant
Reste où tu es, silencieuse, au chaud
Et ta nouvelle vie, tes nouvelles amours te comblent!
Je suis comme un royaume riche et beau
Qui, sans sa reine, sombre et se délite et perd sa foi
Mes lettres, je les enfouis dans la terre
Dans les halliers, dans les marais, les vallons, les combes
Riche et beau, mais l'hiver est long et il est froid, froid