C'est le cœur qui a mal, je crois, Mario, c'est le cœur simplement
Mais d'une si infiniment infime douleur qu'un violon
Ne saurait, même au plus ténu de son registre, l'apaiser
Mario, à peine comme au loin les jours de pluie une fumée
Comme l'invisible dessin d'un vol d'oiseau dans l'air limpide
Une douleur. Mais tout est calme. Aucun de ces élancements
Du sang. Et point de ces amas au ciel menaçants de nuages
Non plus le désespoir violent comme un saccage. C'est le cœur
Simplement épinglé, Mario, le cœur cloué comme une image
Sur une vie aux couleurs d'eau, sur un décor aux couleurs mortes
Ou comme une affiche, Mario, séchée sur une porte
Et dont un lambeau bouge à l'air léger
Le cœur qui dit d'une manière si timide qu'il ne peut
Aller plus loin dans cette vie destinée pourtant au grand large
Or l'univers inflexible grince sous la corne et se charge
De nous, tout comme l'œil implacable des gens
Suis-je si vieux ? Moi qui parlais au temps qu'il fait comme un prophète
À la religion bonne et gaie, toute bataille m'était fête
Je suis comme si un huissier, portant bien haut le candélabre
En plein jour, dans mon propre cœur, parmi les dunes m'emmenait
Où je m'enfonce à chaque pas, perdant le souffle sous le masque
À moins que ce ne soit mon cœur, mon vieux Mario, là, cette barque
Enfouie dans la marée de sable et par une herbe douce aux pieds
Recouverte et tenue par la ligne sans vie des peupliers