Les Anglais bombardaient les ponts
C'était les noces de mon père
Le bal, les cris, les vendanges, c'était la guerre
La nuit de noces à pieds, fourbu, très tard chez une tante du curé
Mon père qui n'allait jamais
Verser les filles dans les vignes
Qui regarde ma mère et tout ce temps pa**é
La paille qui s'en va dans le courant de Loire jusqu'aux Ponts-de-Cé
Mon père prépare les plans
-Ma mère prétend qu'il est fou-
D'une maison encore plus près du soleil
Ta mère y sera bien sur son tricot dans un jardin très beau, très doux
-Mais je n'aime pas le tricot!-
Ma mère parle des enfants
Elle dit des mots sur l'amour et sur le temps
Comme un verre fêlé et qui sourit, et vivre ça dure longtemps
Vieux père, tu penses à ton fils
Avec qui tu parles des femmes
-Ta sœur elle ferait bien de prendre un amant
Dieu lui pardonnera la fleur dans l'œil, il ne faut rien dire à maman-
Allez, l'église du bon Dieu
Est trop petite maintenant
Trop de silences dans les cartons de maman
De nuits de veilles on fera en deux fois le prochain déménagement
Ce sera un matin d'automne
Et de la pluie sur les jardins
Je serai quelque part vers Bordeaux dans un train
Avec des inconnus je parle et je ne serai pas chez nous demain
Tu es dans ton auto, tu songes
Ton père est seul au rendez-vous
La lumière du jour est blême tout d'un coup
De ta vie tu as honte. Un coup de téléphone et ce n'est pas beaucoup
Ton père est très loin de sa voix
Il marche seul et on lui parle
Il pense à des photos où son fils était là
-Mon fils il dit qu'il ne croit pas en Dieu mais le visage de maman-
Vieux père, dis donc au bon Dieu
Pour une fois je veux bien
Et si c'est de ta part s'il vient, je ne dis rien
Qu'il me donne discrètement quelques nouvelles fraiches de maman
C'est une nuit d'hiver très tard
Il pleut dehors. L'hôtel est vide
Le veilleur de nuit a un sourire très doux
Il dit "ma mère lui prête son châle" et "Quelle chambre voulez-vous?»