Souveraine, neige et glacier, je t'aime
À cause des ruisseaux inférieurs
À cause des ruses végétales de tes racines
Parce qu'elles sont en toi, tu les connais
Tu règnes sur elles, tu leur réponds, tu les confonds, tu leur commandes
Parce que tu as l'intelligence flexible des tiges sous les fleurs
Parce que tu es vulgaire et domptée par ton propre dogme
Parce que tu es sauvage avec mansuétude et lâche avec témérité
Parce que, menée au licol par tes orages, tu demeures
Complice indifférente et souveraine
Parce que tu aimes posséder, vendre, te vendre, acheter et vouloir, valoir
Parce que tu sais la limite extrême où ton pays bascule
Et tu y avances encore, le menton volontaire et la main
Parce que tu vas droit au mal, au tien, celui où tu es bien, qui te surprend
Parce que tu sais m'accompagner jusqu'à ma meurtrissure
Parce que tu m'accompagnes jusqu'à ma joie
Parce qu'ensemble nous n'avons jamais peur
De nous ensemble, séparés, de nous découverts
Parce que je reconnais dix fois dix femmes dans ton rire
Parce que tu sais les gestes, les postures, tu sais dire
Les mots comme on va mordre le vin
Tu en disposes comme des vêtements qu'on choisit, qu'on apprête et qu'on jette
Et qui sont au visage des gerbes jetées
Parce que tu sais parler quand il le faut
Tu sais te taire quand il le faut
Être franc, être silencieux, mensonger, je t'aime
Vagabond intelligent