[Couplet 1] Peut-être bien un siècle qu'il est là Planté droit, juste en bas de chez moi comme un éclat de magma froid C'est un vieux mur fourbu, mal a**is, mal vêtu Au beau milieu du parvis, appuyé contre rien, suspendu à demain Tous les chemins du coin mènent à lui Toute la faune de l'asphalte s'en est faite un abri C'est le réceptacle des insultes de tous les pays L'impa**e préférée des chômeurs en quête d'exploits Le cendrier collectif des bonimenteurs en fin de droit Où s'enta**ent les filtres qui ont donné leurs couleurs à nos doigts On y explose parfois nos têtes Lancés dans des bolides aussi gros que nos dettes On y frotte nos crinières, on y rode des bières En se promettant de baiser un jour la fille du maire [Pont] C'est un vieux mur décrépi qui nous compte, qui nous suit Qui nous reconnait tous au bruit de nos pas A l'allure, à l'haleine, à la nuque, à son poids
On croirait même parfois l'entendre murmurer "Reste là" [Couplet 2] C'est un vieux mur lépreux qui ne parle qu'aux gueux Et qui regarde balancer les vies du berceau au cheval de bois Du bac à sable à la table de trois De la flemme à l'ennui, du brayage au bruit De l'échec au ceinturon, du ceinturon à la rue A ses ombres, à ses gardés à vue Et puis de la solitude au moyen de la noyer sur les toits de l'immeuble Du premier appart' au premier meuble D'une paire de fesses trop bien ficelée A une bouche qui demande à grailler neuf mois après Du contrat précaire à la pension alimentaire Du RMI au crédit, du crédit au crédit Du trou d'air au trou noir, du trou noir au trou d'air Du pas de trop au pas de travers De l'amour qui ne se dit pas A la haine qui se voit... Quand adossé à ce vieux mur coa**e le corbeau comme moi