Trois ouvrières
La journée est finie quatorze heures à la peine
Le nez sur l´établi quatorze heures à la chaîne
C´est fini, ça recommence
Dans la vie, nous les femmes, on a la chance
D´avoir un deuxième patron à la maison
Que l´on sert en silence.
Hommes
La journée est finie, bien finie la journée
On a bien mérité le pot de l´amitié
Le dernier que l´on se jette
Attendant que la soupe soit enfin prête
Et d´aller dormir enfin jusqu´à demain
Sans demander son reste
Tous
Aime ce que tu as quand t´as pas ce que t´aimes
Quand t´as pas ce que t´aimes, aime ce que tu as
Et nous autres comme on n´a rien
Ni le superflu ni le nécessaire
On ne peut que s´aimer bien
Pour mettre un peu d´azur dans notre enfer
Et pouvoir encore sourire, continuer à vivre
Femmes
S´il n´est pas trop crevé, si j´ai encore la force
Nous on se fait du bien quand les enfants s´endorment
Entre nous et les bourgeois c´est avec la mort, ma foi
Le seul moment où y a pas de différence
Et voilà nos vacances
T´as vu? Le contremaître avait l´air contrarié
C´est la faute à la Louise qui l´a laissé tomber
Si le patron savait qu´il nous fait des avances
Il perdrait de sa morgue et de sa suffisance
Le bon Monsieur Madeleine, qui
Ne permet pas qu´on se joue de la morale
Et il le prendrait très mal
Tous
Aime ce que tu as quand t´as pas ce que t´aimes
Quand t´as pas ce que t´aimes, aime ce que tu as
Et nous autres comme on n´a rien
Ni le superflu ni le nécessaire
On ne peut que s´aimer bien
Pour mettre un peu d´azur dans notre enfer
Et pouvoir encore sourire, continuer à vivre
Une Mégère
Est-ce ton amoureux qui t´écrit en cachette?
Fantine, fais-nous voir ce qui est dans cette lettre
Envoyez quinze francs, malade votre enfant
Risque la mort sous peu vite, il faut la sauver
C´est signé Thénardier
Fantine
Rendez-moi ma lettre, ravalez votre haine
Pensez à vos misères, et laissez-moi la mienne
Allez rentrez vite, vos maîtres vous attendent
Oh, pardon vos maris, vous qui en avez un qui partage votre vie
Valjean
Séparez-vous, je vous l´ordonne
Je ne conduis pas un troupeau
C´est une usine que je mène
Avant de vous prendre aux cheveux
Et quel que soit le différend
Dont vous allez me faire l´aveu
Sachez rester dignes quand même
Et maintenant qu´on me révèle
Les raisons de cette querelle
Deux Femmes
Bravo, mademoiselle, on la croyait sérieuse
Mais elle était la nuit tout autant travailleuse
La Fantine est fille-mère
Mais malheur à celle qui trop tôt gaspille
La vertu, seule fortune des pauvres filles
Tant pis, tant pis pour elle
Tous
Bravo, mademoiselle, on te voit à l´église
Mais c´est pour d´autres messes que tu ôtes ta chemise
Et bien sûr elle va nous dire
Que de lui elle était très amoureuse
Mais Jésus, gare au serpent
Sa piqûre est parfois venimeuse
Et les hommes c´est tout pareil malheur à qui leur cède.
Bravo, mademoiselle, on n´a que ce qu´on sème.
Cette sainte nitouche y a touché quand même!
Valjean
Je ne veux pas d´histoire de cette sorte.
Voilà cinquante francs je vous mets à la porte!