L'espion se tient à l'affût
au-dessus ; il tire et frappe et prend,
car il se déclenche et se détend
dès qu'une quelconque chose touche le déclic,
aussi doucement qu'elle effleure.
De même, il y avait deux trébuchets
sous le seuil qui maintenaient en place,
vers le haut, une porte à coulisse
en fer, aiguisée et tranchante.
Quand quelque chose touchait à ce mécanisme
la porte, de sa position haute, descendait,
et ainsi se trouvait capturé, ou même tranché de part en part,
celui qu'elle atteignait en-dessous.
Et dans son pourtour, mesuré avec précision,
le pa**age était aussi étroit
que si c'eût été un sentier battu.
C'est dans le bon chemin que s'est précipité
le chevalier, en homme avisé ;
Et monseigneur Yvain, comme un écervelé,
se lance après lui à bride abattue,
et parvint à le tenir de si près
qu'il s'accrocha à l'arçon de derrière.
Et il a eu de la chance
de se pencher en avant :
il aurait été coupé en deux
si ce hasard ne se fût produit,
car son cheval marcha sur le morceau de bois
qui retenait la porte en fer.
Comme un diable d'enfer,
la porte s'abat alors sur le sol
et atteint la selle et le cheval
à l'arrière, tranchant le tout de part en part.
Mais elle ne toucha pas, Dieu merci,
monseigneur Yvain, seulement
elle vint lui raser le dos à fleur de peau,
si bien que, ses deux éperons,
elle les lui trancha au ras des talons,
et il tomba plein d'effroi.
Entre-temps celui qui était blessé à mort
lui échappa de la façon suivante :
il y avait une autre porte derrière
semblable à celle qui était devant.
Le chevalier qui fuyait
se déroba par cette autre porte,
et la porte tomba derrière lui.
Ainsi monseigneur Yvain se trouva pris.
Plein d'angoisse et éperdu,
il resta enfermé dans cette salle,
dont le plafond était orné de clous
dorés et dont les parois étaient peintes
avec beaucoup d'habileté de riches couleurs.
Mais rien ne lui causait une aussi profonde souffrance
que de ne pas savoir
dans quelle direction l'autre s'en était allé.
Pendant qu'il était dans cet embarras,
il vit s'ouvrir la porte étroite
d'une petite chambre située à côté de là ;
une demoiselle en sortit
toute seule, très charmante et très belle,
et elle referma la porte derrière elle.
Quand elle trouva monseigneur Yvain,
elle commença par s'alarmer vivement.
" Certes, chevalier, dit-elle,
je crains que vous ne soyez venu sous de mauvais auspices.
Si quelqu'un vous voit en ces lieux,
vous y serez complètement démembré,
car mon seigneur est blessé à mort
et je sais bien que c'est vous qui l'avez tué.
Ma dame manifeste une si grande affliction pour lui,
avec ses gens qui crient autour d'elle.
que peu s'en faut qu'ils ne se suicident de chagrin ;
et pourtant ils savent bien que vous êtes ici à l'intérieur.
Mais leur douleur est si forte
qu'en ce moment ils n'arrivent pas à déterminer
s'ils veulent vous tuer ou vous faire prisonnier.
Ils ne peuvent pas y manquer
dès qu'ils viendront vous attaquer. "
[Miniature divisée en trois scènes séparées : en haut, à gauche, combat entre Yvain et Esclados avec, à l'extrême droite, le cheval tranché par la porte ; en haut, à droite, Yvain et Lunete s'entretiennent, et à droite, un visage qui regarde à travers une fenêtre dans une tour ; en bas, la procession avec le cercueil d'Esclados. ]