Depuis que les garces du pays
M'ont mise en quarantaine
J'ai récolté quarante amis
Je ne sens plus mes peines
Tout l' monde est bien content
Les gars n'en ont pas fait autant
J'ai toujours un porte-cruche
Quand je vais puiser de l'eau
Et si parfois je trébuche
On me retient illico
Si je vais à la promenade
J'ai huit chevaliers servants
Qui me content sérénade
Et me protègent du vent
Depuis que les garces du pays
M'ont mise en quarantaine
Elles tirent seules l'eau du puits
Trouvant lourde la chaîne
Vilaines au bois-dormant
Au bout d' leur bras, point de galant
J'en ai un qui me réveille
Et me sert le déjeuner
Un qui soigneusement veille
À c' que je pose en premier
Le pied droit, surtout pas l'autre
Car ils seraient obligés
De supporter, bons apôtres,
Mes mauvaises volontés
Depuis que les garces du pays
M'ont mise en quarantaine
Elles peuvent bien avoir des soucis
Se changer en fontaines
Pas un ne les entend
Autant se confier au vent
Le dimanche à la grand-messe
Ils me portent mon missel
À ma place ils se confessent
Paient la quête et les chandelles
Je r'viens fleurant l'eau bénite
Mon repas est tout servi
La journée s'écoule vite
Et puis on me met au lit
Depuis que les garces du pays
M'ont mise en quarantaine
Elles ont froid au fond de leur lit
Et leurs rêves se traînent
Les gars sont bien contents
Mon lit est chaud, mon lit est grand
Il n'est pas jusqu'à mes robes
Qu'ils ne taillent avec goût
Ils iraient courir le globe
Pour poser à mes genoux
Les trésors des Amériques
Les produits miraculeux
Moi, je règne, séraphique,
Sur mes quarante amoureux
Faut les voir, les garces du pays
À longueur de semaine
Guigner, lorgner avec envie
Ma jolie quarantaine
Elles ont perdu leur temps
Moi, je n'en ai pas fait autant
Et mon cœur en est bien content